Table ronde de la Fédération Française d’Anorexie et Boulimie du 2 juin 2021

Dans cet article, je vous partage la vidéo de la table ronde de la Fédération Française d’Anorexie et Boulimie.

Cette table ronde a eu lieu le 2 juin 2021, journée mondiale au sujet des troubles du comportement alimentaire. J’en parle ici.

Des intervenants tous hautement « qualifiés » y participent : qualifiés soit parce qu’ils ont été malades, soit parce qu’ils ont accompagné les malades dans leur parcours de soins (famille, proches, et soignants).

Cette table ronde a l’immense mérite d’organiser un partage de connaissances et d’expériences entre des professionnels de santé (pédiatre, psychiatre, diététiciens), des anciens patients, des familles. La transdisciplinarité est donc le maître mot de cette table ronde.

L’emphase est aussi mise sur l‘alliance thérapeutique avec les familles et les proches.

VIDEO DE LA TABLE RONDE FFAB POUR LA JOURNEE MONDIALE TCA

Débats menés par Mme Patricia MARTIN, journaliste à France Inter.
En présence de Mme Line PAPIN, ambassadrice de la journée.

LES INTERVENANTS DANS LA TABLE RONDE FFAB JOURNEE MONDIALE TCA 2021

Intervenant·e·s :
– Dre Corinne BLANCHET, endocrinologue, Maison de Solenn, Paris
– Mme Danielle CASTELLOTTI, Présidente de la FNA-TCA, Paris
– Dre Sophie CRIQUILLION, ancienne Psychiatre des hôpitaux, Psychothérapeute en libéral, Paris
– Pre Martine FLAMENT, Psychiatre, Retraitée de l’INSERM, Professeure adjointe à l’Université d’Ottawa (Canada)
– Pr Ludovic GICQUEL, Pédopsychiatre, Hôpital H. Laborit, Poitiers
– Pre Nathalie GODART, Pédopsychiatre, Clinique E. Rist et CDS Colliard (FSEF), Paris
– Dre Mouna HANACHI, Médecin nutritionniste, CHU Paul Brousse (AP-HP), Villejuif
– M. Julien LASCAR-BORROMÉE, coordonnateur national de la FFAB
– Mme Line PAPIN, romancière, Ambassadrice de la journée mondiale des TCA 2021
– Dr Bruno ROCHER, Psychiatre addictologue, CHU Nantes
– M. Nicolas SAHUC, Diététicien, CHU de Montpellier
– Dr Renaud de TOURNEMIRE, Pédiatre, médecin d’adolescent, CHU A. Paré, Boulogne-Billancourt

Retranscription texte du début de la table ronde FFAB 2021

PATRICIA MARTIN : 

bonjour et bienvenue à toutes et à tous donc à cette table ronde dans le cadre de la journée mondiale des TCA,

 Je vais peut-être commencer par vous MARTINE FLAMENT  si vous le voulez bien : vous en êtes la présidente de la fédération française anorexie boulimie (FFAB), vous êtes psychiatre vous avez longtemps et beaucoup travaillé à l’Inserm et vous êtes professeur adjoint à l’université d’ottawa.

Est- ce que vous pourriez me dire ce que l’on entend par troubles du comportement alimentaire,  déjà donner une définition ?

MARTINE FLAMENT :  je précise que je ne suis pas la présidente de la FFAB,  c’est Nathalie Godart qui en est la présidente et qui va s’exprimer toute à l’heure.  Moi effectivement j’ai travaillé à l’inserm pendant une quinzaine d’années en particulier sur les troubles des conduites alimentaires et ensuite au canada pendant 13 ans. Et également sur ce domaine à la fois dans la recherche et dans la clinique.

 Donc les troubles des conduites alimentaires, il y a essentiellement trois formes qui sont les plus connus l’anorexie mentale (qui est peut-être la forme la plus connue du grand public, et la forme la plus “exemplaire” de ces troubles parce que c’est là la plus visible) mais il y a également la boulimie et l’hyperphagie boulimique qui sont souvent non détectées par l’entourage parce que les symptômes qui sont des crises de boulimie qui se déroulent en secret et avec un sentiment de culpabilité et de honte sont  la plupart du temps cachés par les personnes qui en souffrent. Le poids est de plus souvent normal chez les personnes atteintes de boulimie donc c’est plus difficile à repérer de l’extérieur ou dans l’entourage de ces personnes.

PATRICIA MARTIN : 

 En quoi est-ce que l’anorexie et la boulimie sont finalement deux facettes d’une même maladie mais finalement elles se rejoignent  tout en ayant l’air d’être très différentes l’une de l’autre?

MARTINE FLAMENT :  oui tout à fait elles se rejoignent parce que les les troubles psychologiques qui sont sous jacents aux troubles alimentaires sont effectivement très similaires :  dans les deux cas il y a des problèmes d’estime de soi et d’image du corps et une importance démesurée donnée à la silhouette et au poids corporel comme quelque chose qui représente une véritable obsession et que l’on essaie de contrôler. 

Avec cette obsession en tête, la nourriture devient elle même un sujet obsédant et on y répond soit par une restriction importante dans le cas de l’anorexie soit par des crises de boulimie incontrôlées dans le cas de la boulimie et les mêmes personnes peuvent passer assez facilement d’un trouble à l’autre.

PATRICIA MARTIN :

 Mais pourquoi est ce qu’on parle d’anorexie mentale alors qu’on ne parle pas de boulimie mentale ?

MARTINE FLAMENT : 

 En fait on peut en parler et le terme qui est souvent utilisé est la boulimie nerveuse.

 PATRICIA MARTIN : 

Alors si vous le voulez bien Martine Flament, on reviendra peut-être, je reviendrai vers vous toute à l’heure parce que je voudrais bien savoir l’ approche que l’on peut avoir dans d’autres pays que la france et notamment chez les les canadiens :  LINE PAPIN :  êtes-vous en ligne ? Vous êtes l’ambassadrice de cette journée mondiale mais pas n’importe quelle ambassadrice : dans le texte que vous avez écrit à l’occasion de la journée, je trouve que vous parlez d’une façon extraordinairement juste, de ce qui se passe de la souffrance psychologique. 

Est ce qu’il y a un lien rendez vous n’êtes pas n’importe quelle ambassadrice : est- ce qu’il y a un lien entre votre propre expérience et le fait d’avoir accepté de représenter en quelque sorte  les gens qui souffrent ?

LINE PAPIN : bonjour à tous donc je m’appelle Line Papin, je suis romancière et effectivement j’ai accepté d’être l’ambassadrice de cette journée mondiale des TCA parce que j’ai publié un livre qui s’appelle les os des filles et dans lequel je mentionne notamment l’anorexie et le milieu hospitalier puisque en effet dans durant mon adolescence j’ai traversé une période et plus précisément une année d’anorexie durant laquelle j’ai été à moitié à l’hôpital et à moitié à l’école en fait et donc j’ai en fait voulu écrire sur cette période aussi en hommage au personnel soignant qui s’occupe des enfants parce que moi dans mon cas c’était un hôpital,  une maison des adolescents donc c’était des mineurs  : effectivement voilà pour rendre hommage au personnel soignant et aussi  à mes camarades de cet endroit, de cet hôpital à l’époque. 

J’ai accepté d’être ambassadrice de cette journée parce que je pense que c’est un sujet qui est encore très tabou qui est encore enfin d’autres les gens ne comprennent pas exactement de quoi il s’agit :  il y a beaucoup de malentendus et de présupposés et donc je pense qu’il était important de faire une journée de sensibilisation autour de ces maladies.

 En plus c’est vrai que en publiant mon livre j’ai eu beaucoup de retours  soit de patient(e)s  soit de parents parents d’enfants qui souffrent d’anorexie et je me suis rendue compte  que le fait de libérer la parole autour de ce sujet pouvait faire du bien à beaucoup de gens, donc voilà pourquoi j’ai accepté.

PATRICIA MARTIN : 

 Votre livre “les os des filles” c’est donc trois femmes, trois générations : Comment a réagi votre entourage à cette  maladie, à ces troubles ?

LINE PAPIN : le livre porte en partie sur le vietnam puisque ma mère est vietnamienne,  c’est vrai que l’on parlait tout à l’heure des différents pays et c’est vrai que c’est une maladie qui est très peu connue, pas du tout diagnostiquée et très mal comprise dans ce pays (au vietnam) et après en france c’est vrai qu’on a  mis pas mal de temps dans mon entourage à diagnostiquer le fait que c’était une maladie et que cela portait un nom.

 Et je me souviens effectivement d’avoir été assez choquée de découvrir que d’autres personnes que moi (à cette époque quand je souffrais de certains symptômes) que d’autres personnes souffraient exactement des mêmes symptômes et avaient exactement les mêmes conduites et que dès lors c’était une maladie et pas quelque chose d’ entièrement personnel.

PATRICIA MARTIN : 

 Est ce que vous avez pu établir un lien entre ce qui vous arrivait et votre vie ? Et notamment par exemple un changement de pays (je dis cela mais ce n’est peut être pas le cas) ? 

LINE PAPIN :

 oui c’est que moi je l’ai fait (le lien) par l‘écriture parce que l’écriture est mon moyen d’expression donc  j’ai fait ce travail de comprendre pourquoi ça m’était arrivé. Pourquoi  l’adolescente que j’étais avait arrêté de se nourrir et est tombée dans une dépression parce que c’est aussi quelque chose de, enfin c’est une souffrance mentale qui s’exprime. Et donc par l’écriture je suis revenue sur la lignée maternelle, sur mon lien avec ma mère, mon lien avec l’enfance et puis ce déracinement  d’avoir quitté mon pays d’enfance très brutalement et d’avoir quitté tout ce que j’aime pour arriver en France dans un nouveau pays. Et donc j’ai fait le lien entre cette maladie, cette dépression donc ce refus de se nourrir, et ce déracinement.  

Mais c’est vrai que c’est  arrivé plus tard, et que c’est une question qui se posait souvent dans l’hôpital où j’étais, de savoir pourquoi en fait chacun et chacune avait ces symptômes et cette maladie là. Parce que les symptômes pouvaient être les mêmes mais la raison était à chaque fois différente bien sûr.

Au sujet de l’écriture comme outil thérapeutique pour guérir d’un TCA, les lecteurs de cet article ont aussi lu : Témoignage de Caroline Valentiny sur l’anorexie mentale et Amélie Nothomb a souffert d’anorexie

PATRICIA MARTIN :   

On l’a bien compris : vous avez souffert psychologiquement, vous avez souffert dans votre corps, dans votre esprit. Est ce que vous vous êtes sentie (à un moment donné) en danger  ?

LINE PAPIN : 

 Oui effectivement puisque c’est une maladie qui  peut mettre en danger et qui menace (la vie) : il y a  des gens qui meurent effectivement d’anorexie donc ce n’est pas quelque chose d’anodin.  Et c’est vrai que, je le raconte dans mon livre, moi même je me suis sentie un moment en danger de mort et puis ça a été un choix. Mais en fait je pense que c’est un des moments de ma vie où je me suis rendue compte à quel point le physique était lié au mental et c’est assez impressionnant de voir que le physique est lié au mental. Et que parfois c’est ce que les gens ne vont pas forcément comprendre et vous vous dire :  “bon bah vous avez qu’à manger que ça vous allez grossir”, mais en fait c’est pas si simple parce que le mental est aussi très fort dans ce genre de maladie donc c’est pas qu’une question de nourriture quoi. 

PATRICIA MARTIN :

Vous avez basculé du côté de la vie, j’imagine que  vous en êtes heureuse. 

Est ce qu’aujourd’hui vous diriez que vous êtes guérie ?

LINE PAPIN : 

 ah oui totalement,  c’est vraiment une fierté et puis une joie parce que c’était vraiment une période très très difficile de ma vie, c’était une vraie dépression et le fait d’être complètement guérie de ça, d’avoir retrouvé la joie, le goût de vivre et puis surtout d’être débarrassée de tous ces problèmes, ces troubles des conduites alimentaires (qui sont en fait des troubles qui vous gâchent vraiment la vie) parce que l’alimentation c’est quelque chose de tous les jours et même trois fois par jour donc dès que ça devient un problème, ça devient un problème quotidien et ça gâche la vie. Donc c’est vrai que je suis vraiment très heureuse d’en être guérie.

PATRICIA MARTIN :  et vous êtes devenue gourmande ?

LINE PAPIN : oui je l’étais déjà quand j’étais petite, quand j’étais enfant et je le suis devenue et c’est vrai que ça fait plaisir .

PATRICIA MARTIN : 

merci beaucoup en tout cas pour ce témoignage ô combien précieux j’imagine pour beaucoup de gens.

 Docteur Criquillon Sophie :  Combien de personnes, est ce qu’on sait combien de personnes souffrent de troubles alimentaires en France ?

Dr SOPHIE CRIQUILLON : je vais plutôt laisser la parole à Martine Flamand qui a tous les chiffres dans la tête mais grosso modo, c’est pas loin d’un million tous troubles alimentaires confondus  : c’est un peu moins d’un million. Surtout la difficulté que l’on observe , c’est que la moitié des personnes qui souffrent de TCA accèdent à des traitements. Et donc c’est ce qui fait que finalement nous nous sommes vraiment mobilisés à la fédération française anorexie boulimie pour monter quelque chose d’un peu important cette année.

PATRICIA MARTIN : 

Alors pourquoi une journée mondiale ?

Dr SOPHIE CRIQUILLON : 

 La journée mondiale existe depuis quelques années, à l’initiative des pays notamment des pays anglo saxons et est elle même très importante. 

C’est un mouvement qui regroupe les  personnes qui souffrent des troubles des conduites alimentaires, leurs familles et les professionnels de santé donc c’est un mouvement assez intéressant et qui au fond a le mérite de permettre que l’on puisse parler des troubles des conduites alimentaires, qu’ on puisse d’une certaine façon alerter les pouvoirs publics en disant à quel point il est important de se centrer sur la prise en charge, la détection et le repérage de ces troubles qui passent encore trop inaperçus. LINE PAPIN l’a très bien dit : ça peut être grave, ça peut être dangereux, les complications sont importantes. Et donc voilà l’idée c’est d’en parler, de proposer de l’aide, de dire que c’est pas parce qu’on souffre d’un trouble des conduites alimentaires qu’ on ne peut pas en guérir, loin de là. 

Mais il faut se faire aider et on a besoin de tout le monde  : c’est-à-dire des soignants, des familles et des proches qui sont aussi très importants dans le dispositif. Et bien évidemment il faut permettre d’ouvrir les soins à ceux qui ne connaissent pas encore la possibilité d’y accéder, donc il faut que les filières de soins soient nettement plus visibles. 

PATRICIA MARTIN : c’est une question de santé publique en quelque sorte et c’est donc aussi une question politique 

Dr SOPHIE CRIQUILLON : c’est une question politique, c’est une question de santé publique et je dois dire que sous la présidence de Nathalie Godart et de Philip Gorwood avant, et d’autre d’autres présidents de la FFAB, on a essayé de sensibiliser les pouvoirs publics, sensibiliser nos ministres sur cette question là, de rendre plus visible la filière de soins et je pense qu’on va arriver à faire en sorte que ce soit beaucoup plus diffusé, beaucoup plus connues y compris auprès du public.

PATRICIA MARTIN : 

Quand vous dites qu’il faut il diffuser… c’est-à dire que finalement tous les acteurs que ce soit les professionnels, les usagers,  les familles doivent être reliés les uns aux autres en fait.

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Retrouvez dans la suite de ce débat des interventions très pertinentes et qualitatives, notamment celles de Nicolas Sahuc et de Corinne Blanchet Collet. L’idée maitresse est que les soins doivent être individualisés et évolutifs dans le temps.

BONUS : WEBINAIRE journée mondiale TCA organisé au Centre Hospitalier Esquirol

Voici encore une ressource précieuse plutôt destinée aux professionnels de santé par son abord des TCA. Cette webconférence est organisée également à l’occasion de la journée mondiale TCA 2021, et permet de mieux comprendre et prendre en charge les TCA.

Il s’agit d’un webinaire sur l’abord et les soins aux personnes souffrant de TCA (Troubles du Comportement Alimentaire) a été organisé au CH Esquirol. Présentation par des membres de l’équipe multidisciplinaire Dr Pierre SAZERAT, Dr Laure BRIGNON, Mme Emilie JUTEAU – psychologue, Mme Celine PASSERIEUX – psychométricienne, Mme Nadege SOHIER – IDE addicto, Mme Adeline FAYAUD – diététicienne, les prenant en charge au sein du Pôle Universitaire de Psychiatrie de l’Adulte et de la Personnes Agée, d’Addictologie au Centre Hospitalier Esquirol associé au Pr Pierre Jesus, service universitaire de Nutrition du Chu de Limoges.

Pour conclure, la journée internationale de lutte contre les TCA existait déjà depuis 6 ans, mais en France, l’année 2021 est celle de la première journée nationale de lutte contre les TCA organisée par la fédération française anorexie boulimie (FFAB).

Une journée importante de sensibilisation aux troubles des conduites alimentaires et leurs ravages, avec, partout en France, des conférences, des webinars, des témoignages, des instalives, des animations et de nombreux événements pour relayer l’information sur l’anorexie mentale, la boulimie, l’hyperphagie boulimique.

Gageons que cette journée placée sous le hashtag #NoMoreTCA soit reconduite chaque année en France afin de sensibiliser le plus grand nombre et de contribuer à la déstigmatisation des TCA. 

✅ Si vous pensez que cet article peut aider des personnes atteintes de TCA, ou leurs familles, leurs proches, et même leurs soignants, partagez le ! 📥🙏

Vous êtes un proche aidant ou un membre de la famille d’une personne souffrant de trouble du comportement alimentaire ? Ou bien vous souffrez vous même de TCA ? Je peux aussi vous conseiller de façon personnalisée.🍀