Dans cet article, je partage une interview audio en compagnie de Joëlle, qui a accepté de témoigner au sujet du trouble alimentaire dont elle souffre depuis l’âge de 17 ans, l’anorexie mentale.
Nous décortiquons ensemble comment la maladie a commencé, l’évocation de traumatismes de la petite enfance, les soins qu’elle a entrepris pour son TCA, et l’évolution de la maladie.
Je lui adresse mes sincères remerciements pour ce partage autour d’un trouble alimentaire, l’anorexie mentale, qui reste encore souvent bien mal compris.
Enfance et adolescence, quels facteurs impliqués dans l’anorexie de Joëlle ?
Lors de son témoignage, plusieurs éléments ressortent lors de la genèse du trouble alimentaire.
La diversification alimentaire semble être le premier « traumatisme » vécu par Joelle : à l’âge de quelques mois, elle refusait toute autre nourriture que sa blédine premier âge. Sa mère semblait désemparée. Pensant bien faire, elle a insisté pour diversifier son alimentation (Joëlle rapporte l’usage d’un entonnoir destiné à forcer la prise alimentaire).
Les parents de Joëlle étaient tous deux médecins. Non pas que cela ait contribué au TCA, mais plutôt que cela n’a malheureusement pas eu d’effets préventifs d’un TCA. L’anorexie mentale peut se produire chez des individus au sein de familles de profils très diversifiés. Elle a reçu une éducation plutôt stricte et rigide. Les TCA à l’époque étaient plutôt tabous, on ne parlait pas des « difficultés » ayant rapport avec l’alimentation. Joëlle a remarqué des TCA chez ses deux soeurs également.
Joëlle souligne l’ambivalence qu’elle a ressenti chez sa mère qui avait le désir de bien nourrir les siens, tout en faisant qu’ils restent minces.
La culture de l’époque, notamment avec mai 1968 marquée par des mouvements féministes (émancipation et indépendance des femmes, liberté sexuelle…), lorsque Joëlle avait une dizaine d’années, prônait aussi la minceur comme valeur forte et émergente au sein de cette société en grande mutation.
Après la puberté, Joëlle avait plutôt quelques formes, normales pour son âge. Mais après quelques réflexions à ce sujet, elle a commencé à faire un régime vers l’âge de 17 ans. Et l’engrenage de l’anorexie, avec les facteurs décrits juste avant, s’est installé. L’anorexie mentale survient dans 90 % des cas à l’adolescence avec deux pics (12-14 ans) et (17-18 ans).
Le parcours de soins lors de l’anorexie de Joëlle
Le diagnostic d’anorexie a été porté 3 ans après le début du régime, soit vers l’âge de 20 ans.
Joëlle a été suivie par un célèbre et brillant thérapeute, le Dr Boris Cyrulnik (en lien une vidéo sur le récit de soi). Elle a apprécié son côté profondément humain et bienveillant, ce qui l’a beaucoup aidée.
Toutefois, ce suivi n’a pas résolu complètement son trouble alimentaire.
Il est vrai que, notamment cette dernière décennie, le fait de prodiguer des soins multidisciplinaires augmente nettement le taux de guérison des TCA (aujourd’hui 2/3 à 3/4 des malades atteintes d’anorexie guérissent🍀).
✅Ainsi, la qualité des divers soins a fortement évolué de part l’utilisation des approches psycho corporelles et l’approche psycho éducative nutritionnelle.
Nous avons évoqué ce dernier point en faisant référence notamment à un podcast très intéressant avec le diététicien Nicolas Sahuc.
Les lecteurs de cet article ont aussi consulté, au sujet des approches psycho corporelles : Intérêts de la psychomotricité chez les personnes souffrant d’anorexie
Une vie heureuse malgré l’anorexie
Heureusement, la maladie de Joëlle a pu se stabiliser à un poids et des constantes biologiques (qu’elle fait contrôler régulièrement ; précision : son anorexie n’est pas accompagnée de comportements de purge comme les vomissements), qui ne nécessitent pas d’hospitalisation et qui n’engagent pas son pronostic vital. Il a toujours certains aliments qu’elle ne parvient pas à manger (huile d’olive…).
Sur le plan comportemental et psychique, elle ne compte plus les calories comme elle le faisait étant plus jeune, et parvient à prendre plaisir à manger des aliments qu’elle ne mangeait pas auparavant comme le chocolat, les noix…
Elle a du recul sur ses ressentis quand elle était plus jeune : l’anorexie lui donnait l’impression de légèreté, d’être la plus petite et donc différente et différenciée (besoin probablement sous jacent de protection et d’attention). Elle évoque aussi le perfectionnisme qui la caractérise.
Ses conseils pour prévenir l’anorexie (issus de ce qu’elle aurait aimé ne pas subir) :
-ne pas forcer un enfant, ou un ado à manger
-faire en sorte que la relation avec la nourriture se passe bien, cultiver le côté émotionnel de l’alimentation lorsqu’il y a des difficultés avec l’alimentation
-ne pas faire de commentaires sur l’apparence corporelle des gens
Au sujet d’alimentation et de l’aspect émotionnel, vous pouvez consultez l’article : Enfance et valeur affective de la nourriture avec la chouette en toque
Elle mentionne que malgré la maladie, elle n’a jamais été triste ou mélancolique. Ceci est probablement du au fait que la dénutrition n’a pas été majeure chez elle.
Il est important de souligner que, malgré plusieurs années de maladie, il est toujours possible de guérir. Nicole Desportes l’exprime très bien dans son livre Voyage au bout de la vie.
Vous pouvez consulter à ce sujet l’article : Guérir d’anorexie après 25 ans de maladie.
Je renouvèle mes sincères remerciements à Joëlle d’avoir eu le courage d’accepter de témoigner, et pour son authenticité 🙏.
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Si vous êtes un proche aidant ou un membre de la famille d’une personne souffrant de TCA, ou bien que vous souffrez de TCA, je peux aussi vous conseiller de façon personnalisée.🍀
Merci Emma pour cet article témoignage fort utile pour mieux appréhender l’anorexie. Encore une atteinte qui se traite de façon multidisciplinaire. Je trouve très pertinent la travail préventif à destination des parents : ne pas forcer à manger, ne pas faire de commentaire physique, faire du repas un moment de partage…
Ca doit être tellement compliqué à gérer qu’on ait le trouble ou bien de vivre avec quelqu’un qui l’a