Quel(s) déclic(s) pour sortir d’un trouble du comportement alimentaire ?

Les troubles du comportement alimentaire (anorexie mentale, boulimie, hyperphagie boulimique) sont encore mal compris et stigmatisés. Ils isolent, enferment les personnes qui en souffrent. Ceci est dû à la maladie d’une part, et l’incompréhension et le jugement des autres d’autre part (pour les maladies mentales en général).


Dès lors, la question du ou des déclics pour sortir des TCA se pose au malade, mais aussi à son entourage. Y a-t-il un ou des déclics ? Est ce un ou plusieurs évènements ponctuels, ou bien est-ce un cheminement ? Le déclic, c’est aussi sortir du déni, mais pas uniquement. Alors le déclic, mythe ou réalité ?

Nous allons développer cette question d’abord en examinant comment définir le déclic, puis ensuite recueillir des témoignages de déclics. Enfin, une synthèse permettra de dégager les points clés de cette notion de déclic.

Comment définir le déclic ?

Définition

Le déclic pourrait se définir par :

un mécanisme qui enclenche quelque chose,
mais aussi par une prise de conscience,
une compréhension soudaine de quelque chose, ici un trouble du comportement alimentaire.
Les synonymes de déclic sont un déclenchement, un déclencheur, un ressort, une détente…quelque chose qui va permettre de rebondir, de revenir vers la vie.

Les éléments qui concourent au déclic

En ce qui concerne une personne souffrant de trouble du comportement alimentaire, on peut concevoir le déclic de différentes façons :

– il peut être un évènement vécu par la personne enfermée dans son trouble alimentaire : une grossesse, une fracture, le décès d’un proche qui lui fait prendre conscience du caractère aléatoire de la vie et pour lequel il réagit positivement (quand certains vont s’enfoncer), un accident, une rupture amoureuse (qui libère la personne d’une relation qui ne lui convenait plus) ou encore dans les situations extrêmes, le fait de « toucher le fond » et de sentir que l’on va mourir de son TCA.

– le déclic peut être une ou des parole(s) de la part de proches ou soignants, de paroles empathiques, ou au contraire très dures, cherchant à créer comme un électrochoc verbal.

– le déclic peut aussi ne pas vraiment se ressentir comme un déclic mais la personne va s’améliorer avec le simple fait se laisser vivre en dehors des habitudes quotidiennes des TCA pendant un moment suffisant (un ou plusieurs mois selon la chronicité de la maladie). C’est alors plus un cheminement qu’un déclic (c’est le cas de Christine, dans la deuxième partie de l’article, dont l’onglet « grossesse »).

– le déclic, c’est pour certains, juste de savoir reconnaître, c’est à dire de poser un diagnostic sur les troubles alimentaires (le fait de poser un nom sur la souffrance). Ce fut le cas de Thomas Pouteau, voir mon article l’anorexie chez les sportifs. Son père a su également provoquer le déclic en lui faisant participer à un défi.

– Corollaire du propos précédent, le déclic peut être représenté par le fait d’accepter le fait qu’il s’agit d’une maladie et que la personne n’est pas coupable (dépasser la culpabilité).

– Enfin, le déclic pour d’autres, c’est le fait d’accepter les soins spécialisés, d’accepter l’aide, les mains tendues, parfois depuis longtemps, car les TCA sont bien une addiction dont il est rarement possible de se sortir seul.

Le déclic n’est pas exactement équivalent à sortir du déni, même si les deux notions se rapprochent fortement. En effet, le déni est le fait que le malade ne sent pas malade, n’a pas conscience de sa maladie. Une personne peut avoir intégré qu’elle est malade mais ne pas parvenir à sortir de l’addiction, à trouver ce(s) fameux déclic(s).

Des témoignages de déclics

Une parole et un retour chez les parents

Pour Agnès ayant souffert pendant 14 ans d’anorexie (7 fois hospitalisée), le déclic a été un retour chez ses parents à 35 ans, contre l’avis des médecins. Ainsi qu’une phrase de son père :

« Ecoute Agnès, le jour où tu mangeras comme ta mère, tu pourras parler ».

Agnès

Pour Agnès, c’est une parole ET un retour aux sources, chez ses parents, (alors que sa maladie a commencé lorsque ses parents sont partis de Paris, où elle s’est retrouvée seule). Voir son témoignage ici : le déclic d’Agnès dans l’émission de Jean Luc Delarue

La parole de sa mère et la peur de devoir retourner à l’hôpital

Pour Marine Noret, une parole de sa mère l’a remise sur les rails et lui a donné envie de se battre contre son anorexie. Elle a également passé son bac, encouragée par un médecin. Le bac était une épreuve qui lui faisait très peur (peur de l’échec car elle avait raté une partie de scolarité normale du fait des hospitalisations) et qu’elle a réussi.

Es tu prête à revivre l’enfer que tu as vécu ? de pleurer tous les jours, d’être enfermée 24h/24, est-ce que tu as envie de revivre ça ? Ou, est-ce que tu ne préfères pas t’en sortir, t’accrocher à la vie que tu peux mener? Tu as 17 ans et tu es en train de passer à côté de ta vie.

maman de Marine Noret

Voyez son témoignage de déclic ici.

Un témoignage de déclic au masculin

Pour Alex, après avoir beaucoup erré dans les TCA plusieurs années, essayer X régimes à la mode, la révélation fut la découverte de l‘ayurvéda et des principes de cette médecine holistique indienne. Découvrez son témoignage ci dessous :

à 16 minutes, un déclic en Suisse, découverte de l’ayurvéda

L’approche de la mort ou la peur de la mort

Pour d’autres personnes, il a fallu descendre jusqu’au fond, sentir la mort approcher pour pouvoir rebondir et se dire qu’elles ne voulaient pas mourir. C’est le cas de Barbara Leblanc (voir ici), auteur du livre Anorexie, 10 ans de chaos. C’est aussi le cas de Manon, ici. Pour Dorian, le fait de vomir du sang, lui a fait prendre conscience qu’il pouvait mourir et a pris des mesures pour guérir. Il témoigne ici.

Le désarroi des proches

Son hospitalisation a sauvé la vie d’Inès (7), mais pour autant, cela n’a pas suffit tout de suite. Il a fallu qu’elle ait un vrai déclic pour combattre consciemment sa maladie :

« Au début, je progressais à l’hôpital pour faire plaisir aux médecins, être la bonne élève. Mais lorsque j’avais des permissions de sortie et que je rentrais chez moi, je rechutais, mes démons revenaient.

Puis un jour ma mère s’est mise à pleurer devant moi en me disant qu’elle voyait son unique enfant mourir devant ses yeux et qu’elle se sentait impuissante, que si je tombais, elle tombait avec moi. Alors j’ai eu un déclic.

Je me suis rendue compte que non seulement je me faisais du mal à moi-même, mais également à ceux que j’aimais.

Et c’est là que tout a changé. »

Inès

La grossesse

Pour Christine, un an après sa grossesse, elle est partie plus d’un mois en famille et dans sa belle famille au Portugal. La convivialité de la famille, le mode de vie « vacancier » lui a permis de renouer avec des habitudes alimentaires normales sans vraiment s’en rendre compte. Elle s’est laissée vivre. Il n’y a avait pas de balance. Elle mentionne : « je sens que je vais mieux. Hélène est ma motivation. » Elle a réalisé en enfilant un short qu’elle avait maintenu un poids normal sans même s’en préoccuper et sans troubles alimentaires.

le déclic de Christine, à la 48ème à la 53ème minute

Se voir maigre dans le miroir

Ce fut le cas de Vanessa, qui a écrit le livre « je m’aime donc je vis » (voir aussi mon article, ici). Voici un extrait de ce moment de déclic :

Extrait du livre « je m’aime donc je vis » de Vanessa Sarfati-le déclic

Le déclic de Claire, une fracture

Claire a souffert d’anorexie mentale de 15 à 20 ans ; hospitalisation, rechute, fracture, elle vous explique tout

Les points clés de la notion de déclic

Atteint(e) de TCA, la solution est en vous

Moi même en tant que parent aidant, j’aurai tendance à dire aux personnes malades :

la solution est en vous, personne ne l’a trouvera à votre place, les proches, la famille et soignants sont souvent là pour soutenir, vous encourager, vous soigner ; mais personne ne peut la trouver à la place du malade. Il faut qu’il puisse trouver cette ouverture, à l’intérieur, afin de laisser enfin à l’entourage l’opportunité de l’aider.
Une parole dite 100 fois, 1000 fois auparavant, un évènement vont résonner un jour chez la personne malade, dans telle ou telle circonstance, au bon endroit, au bon moment.

Je l’ai répété à mon fils inlassablement, jusqu’à ce qu’il arrête de se culpabiliser : « ce n’est pas ta faute si en ce moment, ton mental, ton cœur, et ton corps ne peuvent pas accepter l’alimentation. C’est temporaire, nous allons t’aider à trouver la solution ; elle est cachée en toi, tu vas y arriver, nous sommes là et nous croyons en toi ». Il savait qu’il pouvait compter sur nous, que le soutien ne faillirait pas, qu’il avait toute sa famille pour l’encourager. Je sais à présent que ça l’a aidé et je vous ai fait part d’autres témoignages qui allaient dans le même sens.

Accepter l’aide, une partie du déclic ?

J’aime beaucoup ce texte issu du site semainestroublesalimentaires.com (1) qui permet aussi de toucher du doigt la difficulté de trouver le déclic selon les malades :

Les raisons sont multiples. On le répète souvent, un trouble des conduites alimentaires, c’est complexe. Imaginez-vous qu’il représente un mur de briques qui sépare la personne atteinte du reste du monde. Pour certaines personnes, le mur aura une rangée. Pour plusieurs, il en aura 5, 10 ou 20, et malheureusement, pour d’autres, il en aura plus de 40. Qu’on parle de ressources personnelles, de seuil de tolérance, de défenses, de déni ou d’acceptation, le fait est qu’il peut être difficile de demander de l’aide et, surtout, d’accepter cette dernière. Le rétablissement, c’est un cheminement. Un chemin à parcourir, un pas à la fois. Ce n’est pas une course, surtout pas un marathon. À faire tranquillement, mais sûrement. Le premier pas à faire, celui qui guidera tous les autres, c’est le plus important. C’est celui qui demande à ce qu’on prenne une décision. C’est celui lors duquel on se dit « Ok, j’y vais. À partir de maintenant, je vais m’investir dans cette tâche, afin de la poursuivre du mieux que je peux ». C’est le déclic.

Les outils du déclic

On en revient toujours au même point. Afin de favoriser le(s) déclic(s) chez les personnes souffrant de TCA, une prise en charge pluri-disciplinaire doit être impérativement proposée. Elle repose sur le tryptique : soigner le corps, les émotions et le mental. Il convient de cerner les préférences et la réceptivité de chaque malade à tel ou tel outil afin de maximiser l’efficacité de la prise en charge. Se rapprocher de personnes empathiques et compétentes en TCA, et n’écarter aucune possibilité à laquelle le patient serait réceptif. Par exemple, les thérapies psycho corporelles donnent la sensation au patient d’être moins médicalisé et opposent éventuellement moins de résistance. Le développement personnel peut proposer des pistes intéressantes aussi pour prendre l’individu dans sa globalité. Lorsqu’on est soignant ou aidant, ne pas se focaliser sur l’alimentation qui n’est que la modalité d’expression d’un mal être bien plus profond. Cela risque d’être contre-productif et d’enfermer encore plus le malade, lui faire perdre espoir et le peu de confiance qu’il a en lui et finalement l’éloigner de ce fameux déclic.


En conclusion, je tenterai de formuler un message d’espoir pour celles et ceux qui se battent encore contre un trouble du comportement alimentaire. Le déclic ne tombe pas du ciel, c’est un peu comme le hasard dont on dit parfois qu‘il se provoque. Le déclic, il faut le chercher, aller au plus profond de soi, de ses blessures intimes, de ses extrêmes souffrances, apprendre à décoder ses émotions, à les verbaliser, les exprimer. Même après des années de TCA, la guérison est possible ! Soyez acteurs de votre guérison.

Si vous avez aimé cet article, merci de le partager ! Il pourrait aider des personnes souffrant de troubles alimentaires, leurs proches ou leurs soignants.

Sources :

1/Le déclic | Semaine Troubles Alimentaires
2/StopTCA : pour dire adieu aux troubles alimentaires (aufeminin.com)
3/Acceptation, parcours de soins : Quelle prise en charge pour les troubles du comportement alimentaire ? (20minutes.fr)
4/Mon déclic : la fin de mes TCA ? – Zero Complexe (zero-complexe.com)
5/Croire à une guérison totale • feeleat
6/Comment gérer le « déni » de la personne qui souffre de TCA ? – Christine Chiquet (christine-chiquet.com)
7/Vaincre l’anorexie : une jeune femme raconte sa maladie et son histoire (madmoizelle.com)

Image par S. Hermann & F. Richter de Pixabay

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3 commentaires sur « Quel(s) déclic(s) pour sortir d’un trouble du comportement alimentaire ? »

  1. Merci pour ce bel article hyper complet ! Les témoignages sont au top. Tu passes un très beau message dans cet article alors encore une fois merci !

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