Comment se passe une hospitalisation lorsqu’on souffre de troubles du comportement alimentaire ?

Comment se passe une hospitalisation lorsqu’on souffre de troubles du comportement alimentaire? C’est une question récurrente que se pose de nombreuses personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire.

En effet , l’hospitalisation est une grande source d’inquiétudes, ce qui est un frein énorme à la prise en charge. Les personnes atteintes de TCA redoutent l’enfermement, la camisole chimique, la mise en isolement, la renutrition par sonde, l’impossibilité de faire des crises en cas de boulimie…

Tout ceci est encore vrai dans certains endroits mais la prise en charge évolue et les centres hospitaliers qui ont une équipe spécialisée savent que la bienveillance est indispensable. Les pratiques ont beaucoup évolué. Voici un état des lieux de la prise en charge dans différents grands établissements hospitaliers.

600 000 personnes (statistiques chez les jeunes) au moins seraient concernées par les troubles du comportement alimentaires (anorexie, boulimie…). L’anorexie mentale est la maladie mentale qui a le taux le plus élevé de décès (environ 10 %). Les TCA ont des répercussions somatiques importantes qui nécessitent une prise en charge pluri-disciplinaire.

L’hospitalisation lors de TCA au CHU de Nantes

Voici un état des lieux au CHU de Nantes dans la vidéo ci dessous. Au sein de cet établissement.

La pluri disciplinarité au cœur du soin

Différents services interviennent dans la prise en charge des TCA :
la pédiatrie, l’unité de pédopsychiatrie, l’addictologie, l’endocrinologie, l’hépato-gastro-entérologie, la médecine physique et de réadaptation. La pédiatre, le Dr Caldagues, mentionne qu’il y a de plus en plus d’enfants qui déclenchent un TCA avant la puberté. Les pédopsychiatres témoignent de la nécessité d’associer la prise en charge psychique et somatique en même temps. Des réunions des intervenants de divers équipes médicales sont prévues, des groupes de parole sont organisés.

L’espace Barbara en addictologie accueille les personnes atteintes de TCA qui ont entre 15 ans et 35 ans. Un bilan personnalisé est établi pour chaque patient. Un projet de soins lui est ensuite proposé.

Des médiations thérapeutiques et contrats thérapeutiques peuvent aussi être proposés en hôpital de jour. Des hospitalisations de courte durée sur une semaine sont aussi possibles le cas échéant (IMC au moins minimum de 14).

L’addictologue Sylvain Lambert mentionne bien que le travail sur la renutrition est indispensable, en association avec le travail psychique, et émotionnel. En effet, la dénutrition ne permet pas de réaliser un travail optimal sur le plan psychique car le cerveau fonctionne au ralenti.

Les nombreux ateliers

Des ateliers de cuisine thérapeutique sont proposés une fois que la renutrition est bien amorcée.

Des ateliers autour de l’expression sont mis en place : manipulation d’argile, dessin, peinture, plâtre, écriture… L’idée est de remettre du mouvement dans le fonctionnement psychique et que les patients aient accès à leur créativité.


Des groupes de parole sont aussi accessibles.

Une salle dédiée (punchingball, tapis, ballons…) permet aux personnes de décharger leur colère, qui est une émotion fréquemment ressentie lors de renutrition. Elles sont accompagnées par les soignants pour taper, crier afin de décharger leurs tensions. Les hospitalisations sont souvent longues.

Quant aux activités physiques, elles sont encadrées par le kinésithérapeute et sont fonction de la prise de poids. Une patiente témoigne (vers la 10ème minute) de son sentiment d’être vraiment prise en charge au sein de cet hôpital. Plusieurs de ses hospitalisations précédentes ne lui ont pas apporté de résultats significatifs.

L’adhésion des patients, la collaboration avec les familles

L’addictologue évoque la nécessité de recueillir l’adhésion du patient et des familles au protocole de soin proposé. Il mentionne très justement l’importance du travail collaboratif avec les familles et cite :

« Moi je veux bien être expert en TCA, mais eux -les parents- sont experts en leurs enfants donc il faut qu’on travaille ensemble ».

Dr Sylvain Lambert

Je parle aussi de l’absolue nécessité d’intégrer les familles au protocole de soins dans mon article l’ouvrage clé que tous les thérapeutes et parents devraient lire de Solange Cook Darzens.

Un protocole de renutrition personnalisé

Dans le service de gastro-entérologie le protocole de nutrition est adapté à chaque patient. Dans les cas graves, la renutrition se fait très doucement afin de préserver le foie, le cœur, le cerveau. Une surveillance médicale étroite avec du monitoring est de mise (surveillance température, fréquence cardiaque…), les signes de gravité étant bien connus (hypothermie, bradycardie -fréquence cardiaque basse-, ralentissement psychomoteur, peau fragilisée…). La renutrition par sonde est le cas le plus fréquent dans le service où travaille le Dr Maëlle Le Bras.

L’importance du suivi après l’hospitalisation

Le travail et le suivi doivent se poursuivre en dehors de l’hôpital pour limiter les rechutes. Le suivi doit se faire avec le médecin traitant, le nutritionniste et le psychiatre, a minima.

L’hospitalisation lors de TCA au CHU de Lille

Les témoignages des patients

Plusieurs patients témoignent en début de reportage que la solitude accentue les troubles alimentaires d’une part, et d’autre part, qu’il est quasiment impossible de sortir d’un TCA sans prise en charge médicale. Enfin de reportage, les patients témoignent du bénéfice apporté par l’hospitalisation. Leur regret ? Celui de ne pas l’avoir décidé plus tôt.

Le tempérament des patients atteints de TCA

Le Dr Dodin mentionne bien le caractère très angoissé des personnes atteintes de TCA. Le contrôle alimentaire est une manière maladive de retrouver le contrôle de soi et de canaliser leurs angoisses. Il est important de mentionner les progrès du patient très progressifs, c’est la politique des petits pas.


Un hôpital à la pointe : l’évolution des pratiques hospitalières

Hôpital de jour ou hospitalisation complète selon les cas

Le Dr Leduc mentionne très justement l’évolution des pratiques hospitalières. L’isolement, le fait de soustraire les patients du monde extérieur n’est plus reconnu comme étant absolument nécessaire. L’accès à l’hôpital de jour, s’il est possible, permet d’éviter le recours à l’hospitalisation complète et d’éviter de couper le malade d’une vie normale. Les médecins savent indiquer toutefois quand l’hospitalisation complète est nécessaire.

Les ateliers organisés autour du bien être, et des sensations agréables liées au corps

Le bien être est un objectif primordial pour l’équipe infirmière qui a suffisamment de latitude pour organiser les ateliers afin d’atteindre cet objectif. Des ateliers de danse-thérapie, de cuisine (et de ré appropriation positive de l’aliment), d’olfacto-thérapie sont accessibles.
En entretien avec une jeune patiente, le Pr Dodin, lui demande si elle a retrouvé l’aptitude à être bienveillante envers elle même.

L’hôpital sait faire preuve aussi d’innovation dans la prise en charge des TCA avec de nouveaux ateliers : enveloppements, psychomotricité, la fasciathérapie : ceci permet la synergie du travail psychique et corporel

La notion de famille co-thérapeute : l’intégration des familles au protocole

A l’instar de CHU de Nantes, dans le CHU de Lille, la notion de parents ou de famille co-thérapeute est également abordée. En effet, les TCA sont troubles cataclysmiques pour les familles et il faut les intégrer au protocole de soins.

La prise en charge hospitalière de l’anorexie au sein d’un centre hospitalier sur Lyon

Dans cette interview de Christine Durif-Bruckert au sujet de son livre Expériences anorexiques, récits de soi, récits de soin, on peut voir brièvement comment se déroule l’hospitalisation des personnes souffrant d’anorexie mentale au sein de l’hôpital Saint Vincent de Paul dirigé par le Dr Carrier. Les personnes interviewées dans le livre de Christine étaient des adultes (22 à 55 ans) hospitalisées à Lyon (St Vincent de Paul), ou bien dans la clinique villa Montsouris à Paris.

Témoignage d’une jeune femme hospitalisée

Une jeune femme témoigne de son état à l’entrée à l’hôpital, caractéristiques fréquemment retrouvées chez les personnes atteintes de TCA. On retrouve comme mentionné plus haut : le manque de confiance en soi, l’angoisse, parfois la phobie sociale.

Le cadre d’hospitalisation

le Dr Carrier mentionne l’importance des soins axés sur la confiance, le bien être, et l’accompagnement familial.

Le cadre de départ est nécessairement défini : le patient s’engage à finir les plateaux repas. C’est un pré requis pour initier l’hospitalisation, car il est scientifiquement prouvé qu’il faut atteindre un certain poids minimum pour espérer que le reste du travail thérapeutique soit efficace. Si c’est difficile au départ, il est important que la confiance s’installe au fur et à mesure des soins. Il est également mentionné l’importance du suivi à la sortie de l’hôpital.

le Dr Carrier revient sur le fait que les TCA sont des maladies poly-factorielles avec facteurs géopolitiques (pays développés plus touchés), des facteurs éducatifs (recherche de l’excellence dans nos sociétés occidentales dans le domaine scolaire, sportif), des facteurs biologiques mal connus, des facteurs traumatiques.

En fin de reportage, Mme Durif Bruckert rapporte très justement les effets chimiques de la dénutrition qui intensifie le cercle vicieux. En dessous d’un certain seuil de poids, le patient est pris au piège de l’addiction. La dénutrition provoque une anesthésie émotionnelle qui évite de ressentir les émotions douloureuses, ou le mal-être.

Retrouvez un autre reportage sur l’hôpital Saint Vincent de Paul à Lyon ci dessous :

Exemple de prise en charge de TCA dans une clinique en Suisse

Voici un reportage dans la clinique Belmont en Suisse. Une spécificité : la clinique permet aux hospitalisés les crises de boulimie encadrées (ce qui est d’ailleurs décrié dans les commentaires et mal compris). Les spécialistes assimilent ce comportement de crises boulimiques à une toxicomanie et essaient de pratiquer un sevrage « en douceur » et avec un accompagnement psychologique.

Liste des centres de soins qui prennent en charge les troubles du comportement alimentaire

Vous trouverez sur cette page de la fédération française Anorexie Boulimie la liste des centres hospitaliers adaptés pour la prise en charge de troubles du comportement alimentaire.

Vous pouvez aussi télécharger l’annuaire de tous les centres de soins pour les TCA répertoriés dans ce document ci dessous :


En conclusion, l’hospitalisation est une étape souvent douloureuse et difficile, de surcroit pour les troubles psycho-somatiques comme les TCA. Si la prise en charge hospitalière a beaucoup progressé ces dernières années, il reste encore beaucoup à faire et l’offre de soins est encore parfois assez inégale en France. Retenons le témoignage des patients qui ont vaincu 20 ans de TCA et ceux qui regrettent juste de ne pas avoir franchi le pas avant.

Si vous avez été hospitalisé pour un TCA et que vous souhaitez partager votre expérience, vous pouvez le faire en laissant un commentaire ci dessous.

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