Les troubles du comportement alimentaire (anorexie mentale, boulimie et hyperphagie boulimique pour les plus connus) s’accompagnent très souvent d’un état anxieux, et/ou d’une dépression d’une mauvaise estime de soi, et parfois d’un trouble de l’image corporelle.
Une prise en charge pluri-disciplinaire s’impose afin de résoudre un TCA. Elle doit s’intéresser à prendre en compte toutes les co-morbidités associées.
Si la pratique sportive est contre indiquée dans les cas de dénutrition avancée, ou bien peut enfoncer certaines personnes pour lesquelles le sport est devenu une obsession, elle peut aussi être un très bon outil afin de sortir d’un trouble alimentaire.
Dans cet article, nous allons découvrir dans quels cas la pratique sportive est indiquée ou contre indiquée. Puis des témoignages montreront des individus atteints de TCA pour qui le sport a été un élément moteur de la guérison. Enfin, nous décortiquerons les mécanismes impliqués dans la prise en charge des troubles du comportement alimentaire.
Les indications ou contre- indications de la pratique sportive chez les personnes souffrant de TCA
L’organisation de mondiale de la santé mentionne depuis des années l’importance de pratiquer une activité physique régulière afin de se maintenir en bonne santé. En effet, l’OMS définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».
L’exemple le plus classiquement cité d’exercice physique est de pratiquer trente minutes de marche rapide par jour.
Les bienfaits d’une activité physique s’observent sur les plans physiologique, psychologique et social. Avant de voir les bienfaits (les indications), voyons les principales contre-indications d’une pratique sportive pour une personne atteinte de TCA.
Les contre indications
La pratique de l’exercice physique va être contre indiquée dès lors qu’elle est pratiquée de façon excessive et compulsive, c’est à dire sans plaisir et par obligation.
C’est le cas chez les sportifs sujets à des blessures à répétition et chez lesquels un comportement d’anorexie athlétique identifié pourrait être susceptible de basculer vers une anorexie mentale. J’en parle dans mon article : l’anorexie chez les sportifs.
Les personnes qui souffrent d’hyperactivité physique majeure sont également concernées. Ces personnes souffrent de bigorexie, qui est un trouble qui peut éventuellement conduire à un trouble alimentaire si les apports nutritionnels sont inadéquats et que la dépendance est importante. La bigorexie est une dépendance à l’activité physique suite à une pratique excessive du sport. Elle touche principalement les adeptes des sports d’endurance ou de culturisme.
De plus, la contre indication de pratique d’exercice physique est importante chez les personnes souffrant d’anorexie mentale qui sont trop dénutris. Le muscle cardiaque est souvent affaibli, de même que tout le système musculo squelettique et la personne s’expose à des risques importants (malaises, fractures, voir arrêt cardiaque dans les cas extrêmes).
Enfin, les personnes qui souffrent de boulimie vomitive et qui ont des crises avec des vomissements fréquents peuvent avoir des troubles électrolytiques (des ions comme le potassium, sodium, magnésium …) qui contre-indiquent un effort physique. Bien entendu, ceci est toujours à nuancer en fonction de l’intensité de l’activité pratiquée et l’état clinique du malade.
Les indications
Une fois les principales contre-indications exclues chez les personnes souffrant de TCA, penchons nous sur les indications.
Sur le plan physique, les bénéfices d’une activité physique sont une diminution des douleurs physiques notamment chroniques, des insomnies, de l’obésité, de l’ostéoporose. L’activité physique diminue les complications cardiaques et prévient certains cancers.
Concernant le plan psychologique, l’exercice physique contribue à l’amélioration de l‘estime de soi, une diminution de la dépression, de l’anxiété, du stress, des changements d’humeur ou enfin de l’insatisfaction corporelle. Ainsi, dans le domaine de la santé mentale, la pratique de l’exercice physique est bien considéré comme un moyen psychothérapeutique complémentaire.
Sur le plan physiologique, chez les personnes souffrant d’anorexie mentale, l’exercice physique modéré et adapté, permet de diminuer les tensions musculaires ainsi que les sensations de ballonnement qui peuvent être provoquées par la reprise de l’alimentation.
L’effet est encore plus intéressant lorsque l’activité est exercée en groupe dans un climat de bienveillance, d’entraide et de compréhension mutuelle. L’aspect bio-psycho-social de l’activité est ainsi valorisé. Ce principe est souvent utilisé dans les hôpitaux. L’activité de groupe sort les personnes de l’isolement social dans lequel elles se trouvent souvent.
Voici un extrait de l’article Research gate illustrant bien ce propos :
C’est pourquoi, depuis plus de 20 ans maintenant,
différents programmes d’intervention en activité physique
ont été menés auprès de patientes anorexiques afin de démontrer les bénéfices associés à une pratique physique
encadrée. Dès 1987, Vandereycken et coll., après quatre années d’expérimentation d’une thérapie par le corps mettent en avant les effets bénéfiques d’un programme de psychomotricité essentiellement basé sur du mouvement dansé pour des patientes anorexiques. Leurs conclusions basées sur des observations, indiquent qu’au fur et à mesure de l’avancée du programme, les patientes ont su prendre du plaisir dans le relâchement musculaire, et l’exprimer verbalement. Les séances leur ont permis de se libérer et d’exprimer sans retenue leurs émotions.
Témoignages de personnes souffrant de TCA ayant utilisé le sport comme moteur de guérison
Le triathlon l’a aidée à sortir de l’anorexie mentale
Ce fut le cas de Marine Noret, dont vous retrouverez le témoignage ci dessous.
Marine explique que le sport a été à la fois un élément destructeur mais aussi un moteur pour comprendre ce qu’elle devait apporter à son corps pour pratiquer sa passion. Elle cite :
« nos seules limites, ce sont celles que l’on a dans nos têtes parfois« .
Marine Noret
Retrouvez un autre témoignage de Marine ici.
Le sport a aidé Marion Bartoli à guérir de l’anorexie mentale
Voici ci dessous le témoignage vibrant de Marion Bartoli, qui a sombré dans l’anorexie mentale suite à un mal être après une relation toxique avec une personne pervers narcissique.
Après avoir relevé ce défi du marathon (avant, il a aussi fallu que sa condition physique soit suffisante pour y participer sans risque), un cercle vertueux s’est installé et a permis à Marion d’aller de l’avant et de poursuivre son chemin vers la guérison.
Le fitness a aidé Clara et Juju à guérir de l’anorexie mentale
Dans la même lignée que Clara, voici le témoignage de Juju fit Cats qui explique avec humour, simplicité et vitalité, que le sport a d’abord été obsessionnel puis salvateur. Elle s’est mise à faire de la musculation non pas pour le physique mais pour la performance qu’elle voulait accomplir dans sa passion. Attention, j’ajouterai que la performance ne doit pas devenir obsessionnelle et s’obtenir au détriment de la santé physique et/ou mentale. L’idée est de ne jamais troquer une obsession pour une autre. De la passion à la compulsion, il n’y a parfois qu’un pas. Car, l’obsession de la performance peut aussi mener à des TCA (voir le livre l’âme en éveil, le corps en sursis).
Retrouvez d’autres témoignages dans mon article ici, où le sport qui a pu être un élément destructeur s’est ensuite avéré un facteur de guérison chez des personnes souffrant de troubles alimentaires. Ce fut le cas de Dorian avec l’aide d’un coach sportif, ou encore de Thomas Pouteau ayant sportivement coaché son père dans la préparation d’un 100 km dans une démarche associative.
Retrouvez ici les astuces pour les personnes souffrant d’hyperphagie ou de boulimie dont le sport.
Enfin, découvrez plusieurs témoignages intéressants sur la page d’un club de fitness, c’est par ici.
Les bienfaits et mécanismes d’une pratique sportive dans la prise en charge des TCA
Une prise de conscience du corps vers une meilleure acceptation de l’image corporelle
Dans l’étude de Tolomio, menée en 2007, le traitement thérapeutique de patientes anorexiques en ambulatoire, a montré qu’un programme d’activité physique permettait entre autre, une prise de conscience du
corps, ainsi qu’une meilleure acceptation de son image
corporelle.
Chez les personnes souffrant d’anorexie, cette activité doit être contrôlée et encadrée médicalement afin de limiter les risques pour ces patients. En effet un pourcentage important (25 à 65 % selon les études) souffre d‘hyperactivité physique lors d’anorexie mentale. Elle est liée au niveau d’angoisse de l’individu et à l’anxiété comme trait de caractère. Au niveau biologique, on retrouve chez ces personnes un faible taux de leptine ainsi qu’une sécrétion élevée de cortisol ce qui maintient un niveau d’excitation fort chez ces malades. L’hyperactivité physique est possible dans les autres TCA mais moins fréquente que lors d’anorexie mentale. Les exercices sont donc adaptés à chaque patient et à son TCA.
Les pratiques le plus souvent utilisées sont la danse, le yoga, le tai-chi, ou encore le stretching, la musculation, du gainage, des sports collectifs. L’utilisation du miroir (mais sans mise en avant excessive ou rivalité) afin de travailler sur l’image et l’estime de soi est rapportée.
Lors de la mise en place de tels programmes d’activité physique encadrée, les résultats sont en faveur d’une meilleure acceptation de la prise de poids induite par l’hospitalisation, d’une normalisation des repas et d’une relation de confiance accrue entre les patients et les soignants.
les mécanismes neuro hormonaux suite à l’activité physique
L’activité physique est connue pour augmenter les niveaux de dopamine, d’adrénaline et d’endorphines qui elles-mêmes aideraient à canaliser le stress, et amèneraient à ressentir une sensation de bien-être.
Ces mécanismes expliquent aussi que certaines pratiquent le sport parfois pour échapper à des ressentis désagréables, comme une fuite en avant pour masquer ou tenter de résoudre certains problèmes.
Dans les activités physiques encadrées chez les personnes souffrant de TCA, il n’y a rien à réussir ou à prouver, pas d’idée de performance qui passerait par la maîtrise totale du corps. L’idée est plutôt d‘apprendre à lâcher prise, de savoir écouter le corps afin de se le réapproprier.
« Le sport peut être un atout formidable s’il est utilisé comme régulateur d’estime de soi. Ecouter ses sensations internes permet de se sentir mieux et de réguler son appétit sans restriction mentale« .
Jeanne Espalioux, psychologue clinicienne spécialisée dans les TCA
En conclusion, une même pratique physique peut être, en fonction des situations (discipline choisie, pression ressentie) et des individus (prédispositions, comportement, intentions), un facteur de risque ou un moyen thérapeutique dans les TCA.
Une pratique physique adaptée à chaque personne, sans surentraînement, pratiquée en conscience, et de façon non obsessionnelle présentera des effets bénéfiques multiples chez les personnes souffrant de troubles des conduites alimentaires.
Sources
L’anorexie et l’activité physique, une relation ambiguë (researchgate.net)
Sport et troubles du comportement alimentaire : les liaisons dangereuses ? | Psychologies.com
Le fitness pour combattre l’anorexie mentale (lappartfitness.com)
Troubles du comportement alimentaire et pratique de sports de remise en forme | Cairn.info
Bigorexie — Wikipédia (wikipedia.org)
Tolomio S. (2007). Retrouver l’estime de soi. Sciences et
Recherche, 9 (5), 26–2