Un échange entre Vanessa (ancienne anorexique) et le psychiatre Alain Meunier
Je vous présente le livre de Vanessa Sarfati : “Je m’aime donc je vis, C’est quoi l’anorexie” .
Dans ce livre, Vanessa, ancienne anorexique, raconte son combat acharné contre l’anorexie mentale et révèle de nombreux mécanismes qui la sous tendent : en témoigne son psychiatre, l’éminent Dr Alain Meunier, psychiatre et particulièrement spécialisé dans la dépression (Centre de la dépression 75007 Paris) avec ce passage qui prend aux tripes :
“le psychiatre que je suis a dû aller au delà de lui même, de ses connaissances, de ses habitudes, éviter le piège du “poids” de l’apparence, pour “voir Vanessa”. Soumis que j’étais à mes préjugés théoriques, il m’a fallu commettre bien des erreurs, tendre l’oreille jusqu’à la nausée pour finalement entendre, dans cet infernal imbroglio, ce que Vanessa cherchait de tout son esprit et du bout des lèvres : le pur désir de vivre.”
l’anorexie, une « drogue », un état anesthésique
Dans ce livre, on comprend bien que l’anorexie n’est pas juste un refus de s’alimenter. Cet état de dénutrition mène parfois les malades dans une sorte de transe, qui leur procure une anesthésie physique et psychique, seul « moyen » pour eux pour ne pas mourir (malheureusement ce moyen ou plutôt cet état pathologique peut conduire au décès), de supporter les difficultés de l’existence. Le thérapeute devra trouver les clés adaptées à chaque malade afin de les aider à achever cette douloureuse métamorphose et les extirper de leur “armure”.
Le combat thérapeutique : cesser de focaliser sur le symptôme, et déterminer les raisons profondes, les facteurs qui ont conduit l’individu au bord du gouffre, jusqu’à la chute : rejoindre le cœur de l’anorexique, ses émotions, ses perceptions afin de trouver la ou les solutions l’aidant à vaincre la maladie.
Vanessa explique fort bien l’état de dépendance de l’individu anorexique ; oui, l’anorexie agit malheureusement comme une drogue. Le comble est qu’il n’y a besoin d’acheter aucune substance illicite, c’est une drogue sans substrat : seul le manque d’alimentation finit par conduire l’individu dans un état second, un état de transe, qui le déconnecte du réel ; l’individu est sur une autre planète. Au niveau biochimique, il y a de très nombreuses modifications concernant les neurotransmetteurs, et les hormones dont le fonctionnement est devenu pathologique. Cette notion permet aux personnes qui ne comprennent pas les mécanismes d’appréhender la difficulté pour le malade à lutter seul contre cette maladie. L’anorexie fonctionne comme une addiction, et comme dans toute addiction, il convient de déterminer pourquoi l’individu en souffrance en est arrivé là.
trois phases lors de la maladie anorexique
Dans cet ouvrage, Alain Meunier décrit très bien les trois phases, importantes à saisir :
-la lune de miel, cet état de déni dans lequel l’individu ne se sent absolument pas malade, est en quête de sensations fortes, de contrôle de son environnement, de maîtrise de soi, de perfection, d’idéaux… Cet état est parfois malheureusement renforcé par l’entourage si toutefois la personne souffrait d’un peu d’embonpoint et débute un régime ; elle obtient les compliments de l’entourage, puis potentiellement, se sentant valorisée, le cercle vicieux s’installe, et même si le poids de forme est atteint, l’individu est en quête de maigrir plus, toujours plus : l’addiction est installée car le fonctionnement pathologique de tout l’organisme est lancé : musculo-squelettique, hormonal, neuronal, psychique, …
-après la lune de miel, vient l’état dénommé : “le satellite anor” : dans cet état, la prise de conscience des proches est présente, les remarques fusent, les tentatives d’aide se multiplient, sauf que l’individu est déjà sur sa planète, dans son “donjon”, prisonnier de ses démons, avec souvent ce double dialogue. Le malade vit comme “à côté” de lui même, en satellite à lui même, dans un autre espace.
Le déni est parfois toujours là, le malade refuse les mains tendues, refuse l’aide du corps médical. Et c’est bien là précisément, qu’il convient de trouver la ou les solutions pour faire passer le message qu’il est malade et doit accepter les soins. Ce message sera différent selon les individus, leur sensibilité, leur histoire, la confiance qu’ils ont dans la personne aidante. Et pour toutes ces raisons j’ajouterai que les familles, bien aiguillées par les soignants, par leurs lectures, peuvent et doivent être des co-thérapeutes. Les familles peuvent avoir des ressources insoupçonnées et il convient que le corps médical en prenne conscience afin d’utiliser ce “bras de levier” et donner de la puissance à leur mesures thérapeutiques.
-troisième phase décrite par Vanessa : Plus la maladie anorexique dure, plus il est difficile pour le malade de s’en sortir ;
La maladie se chronicise, c’est la “planète anor”. L’individu sait en général qu’il souffre d’anorexie mais il s’y accroche, cet état lui semblant le seul moyen pour combler ses chagrins, ses blessures narcissiques (son manque de confiance en soi et d’estime de soi). Il faut un déclic, propre à chaque personne, afin qu’elle sorte de cette hallucination. Ce déclic, en général émotionnel, permet une prise de conscience, le rétablissement du court circuit corps- esprit, permettant au malade d’inverser la vapeur, d’accepter pleinement la prise en charge médicale, de renouer progressivement avec des habitudes alimentaires normales.
Vanessa termine son ouvrage par un formidable message de soutien et de combativité aux malades.
Lorsque je reçus le livre par la poste, j’ignorai que Vanessa était décédée, non de l’anorexie dont elle a guérie, mais d’une grippe, quelques années plus tard, ses défenses immunitaires ayant été vraisemblablement affaiblies par quatre années de maladie. Je n’avais pas encore lu son livre mais il me semblait la connaître, ayant vu son superbe témoignage dans l’émission ci dessous (voir à la 18ème minute).
Les larmes roulaient sur mes joues en apprenant son décès, elle m’avait beaucoup éclairée, donné de l’espoir à travers sa guérison, son témoignage, ses actions concrètes et engagées pour lutter contre l’anorexie : tout cela était réel et je la pensais vivante et bien portante ! mais elle s’en est allée, dans la fleur de l’âge…et avec toute la force qu’elle a su insuffler aux autres! Paix à son âme et pensées aux siens…
ll me fallait néanmoins continuer le combat, celui que je menais pour sauver mon garçon de 10 ans. Je lus son ouvrage avidement et par cette chronique, je souhaite aussi lui rendre hommage. Même si elle n’est plus, elle distille un formidable espoir aux malades à travers son “œuvre témoignage”.
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