Guérir d’anorexie après 25 ans de maladie

Peut-on guérir d’anorexie mentale après 25 ans d’anorexie mentale ?

L’anorexie mentale est un trouble du comportement alimentaire, qui lorsqu’il est installé, a des répercussions corporelles et psychiques graves.

La définition clinique classiquement utilisée de l’anorexie mentale en France s’appuie sur « un tableau clinique très constant au travers des époques et des pays », fondé principalement sur la triade symptomatique des trois « A » : un Amaigrissement important (ou une absence de
prise de poids pendant la croissance), une Anorexie, qui est en fait initialement une restriction dite volontaire, une Aménorrhée (chez la femme).

Elle concerne environ 240 000 personnes en France dont 70 000 adolescents. C’est une affection qui peut avoir un caractère chronique et fluctuant.

Il est souvent mentionné que plus ce trouble devient chronique et plus il est difficile d’en sortir. Toutefois, il est fondamental de dire que, même après plusieurs années de maladie, il est toujours possible de s’en sortir. Plus l’anorexie est prise en charge tôt, et plus la guérison est « courte ». On ne doit plus entendre qu’on ne peut en guérir, car ces propos installent l’individu dans un objectif inatteignable et favorisent le maintien dans la maladie.

Dans cet article, nous allons voir à travers le témoignage de Nicole Desportes, d’abord à travers son livre, puis via un podcast, qu’il est possible d’en sortir après 25 ans de maladie. Enfin, nous détaillerons les éléments clés qui ont aidé Nicole à s’en sortir.

Le livre témoignage de Nicole Desportes

Nicole Desportes a commencé à souffrir d’anorexie à l’âge de 16 ans. En 2016, elle témoigne de son histoire dans son livre « Voyage jusqu’au bout de la vie, Comment j’ai vaincu l’anorexie« . Son ouvrage a été préfacé par Philippe Jeammet, neuropsychiatre, pédopsychiatre, professeur des universités, praticien hospitalier émérite de psychiatrie et psychanalyse, spécialiste de l’enfant et de l’adolescent à l’université Paris-Descartes.

Nicole Desportes cite :

« Derrière le mot anorexie se cache une forêt bruissante de désirs, d’émotions, de passions, d’envies, une multitude de rêves, grands, beaux, forts, de possibilités de chemins, un océan de doutes aussi, de peurs, de besoins insatisfaits, de blessures.

Parce que j’ai traversé tous les affres de cette maladie – les moments d’exaltation où l’on est persuadé de « tenir le bon bout », et puis les gouffres où votre être s’engloutit, en même temps que votre poids –, je peux témoigner que, si l’anorexie est et sera toujours un drame, pour l’adolescente, pour sa famille, pour ses proches, elle n’en révèle pas moins un immense appétit de vie, une force intérieure inouïe, une énergie vitale débordante.

Car quelle force il faut pour supporter ce que s’impose une anorexique, je le sais moi, mon corps le sait. Et combien puissamment il faut aimer la vie, non pas sa vie, mais pas la vie, pour aller aussi loin dans son exigence, sa soif d’intensité, et d’absolu.

J’ai été chercher la guérison, le chemin vers la lumière, très loin en moi. Aujourd’hui je dirais que le voyage en valut la peine. »

Nicole Desportes

Le témoignage Audio de Nicole Desportes

Découvrez cette interview dans laquelle interviennent Nicole Desportes, autrice du livre mentionné ci dessus, le Docteur Christophe Bagot, psychiatre et psychothérapeute, et le Docteur Stéphane Clerget, pédopsychiatre, auteur de « Adolescents, la crise nécessaire« .

Comment vaincre l’anorexie, témoignage de Nicole Desportes, mai 2017

Les conseils qui en ressortent sont, jusqu’au bout, :

  • ne pas douter des ressources de la personne souffrant d’anorexie,
  • ne pas reculer devant le mot psychiatrie
  • ne pas baisser les bras et continuer à soutenir, encourager et à prendre en charge la personne qui souffre d’anorexie.

Les éléments clés qui ont aidé Nicole à guérir

Dans son ouvrage, Nicole livre avec sincérité ses pensées, ses sentiments, et analyse les différentes phases de son chemin de guérison.

Il en ressort quelques éléments qu’il me paraît important de souligner.

L’acceptation

En chacun de nous, il y a des forces qui vivent leur vie propre, et qui n’obéissent qu’à leur propre mouvement. Il est nécessaire de le comprendre afin de savoir les accueillir. Il s’agit d’accepter notre complexité sans se paniquer ni se laisser déborder. Apprendre à aimer cette part cachée de soi, l‘accepter non comme une faiblesse mais comme une force potentielle et l’apprivoiser est une partie du chemin de guérison. Telle est l’analyse du professeur Philippe Jeammet.

L’écriture, outil thérapeutique

L’écriture a permis à Nicole de se libérer et d’extérioriser des faits et émotions afin que cela pèse moins lourd dans son être.

« De dix ans en dix ans, j’ai écrit, 1990, 2000, puis 2012-2014…. j’ai écrit pendant ces trois fois 10 ans, sur les mêmes thèmes, l’anorexie, la souffrance, le désespoir , l’isolement intérieur, mais aussi la vie, sa beauté, ses plaisirs, son souffle (…) Et peu à peu, la violence s’est dégrossie, dépouillée aussi, elle s’est faite plus convenable, (…) toutes ces vagues qui (…) vous permettent de comprendre, de réaliser, de faire la lumière et de donner sens. »

Nicole Desportes

Entre résistance et attirance, le fonctionnement d’une addiction

Dans un de ses chapitres, intitulé « entre résistance et attirance », Nicole décrit de façon émouvante et magistrale comment l’anorexie fonctionne, comme une addiction, un trouble vampirisant l’individu :

« Anorexie, maladie sournoise et insidieuse, perverse, tu étreins tes victimes comme une pieuvre gluante et glacée, tu leur colles à la peau et à l’âme, tu leur fais perdre la raison pour les soumettre à ta logique meurtrière.
(…) Anorexie, mon corps ayant échappé à ton emprise, c’est maintenant à ma mémoire que tu t’agrippes. Avec ton rire sarcastique, je t’emmène partout avec moi, je projette ton image d’horreur sur chaque jeune fille que je croise. Anorexie, tu me pollues la vie. Je ne veux ni ne peux t’oublier tant que tu continues à sévir. Nous sommes aujourd’hui deux vraies ennemies, et je te combattrai avec tout l’engagement que cela suppose ».

Nicole Desportes

L’hôpital, seul vrai refuge

Titre de l’un de ses chapitres, Nicole explique qu’elle a vécu cinq hospitalisations et que chacune l’a marquée de façon indélébile en particulier la première et la quatrième hospitalisation. Elle explique que l’isolement fut difficile mais nécessaire et pour elle salvateur.

« La chambre d’hôpital symbolise le repos enfin possible, autorisé, le lâcher prise, la prise en compte par moi-même et par autrui de ma souffrance, l’endroit où je peux enfin cesser de faire semblant, de me forcer, de dissimuler et également, de me sentir jugée. C’est enfin un peu de calme extérieur, qui me laisse espérer de parvenir à remettre un peu de paix, et d’ordre, également à l’intérieur de moi. J’ai vécu dans cette expérience de la claustration totale, quelque chose d’à la fois très intense, très troublant, et de difficilement dicible : un tête à tête avec moi-même, un dépouillement extérieur et avant tout intérieur radical, d’abord forcé, puis que j’ai peu à peu ressenti comme bienfaisant, apaisant, libérateur. »

Nicole Desportes

En conclusion, je ne peux que recommander la lecture de ce formidable et authentique témoignage de Nicole Desportes et l’écoute de son interview. Nicole est la preuve qu’il est possible de guérir d’anorexie même au bout de plusieurs décennies. Autrice hypersensible assumée et revendiquée, elle termine son ouvrage par un chapitre merveilleux , sur l’amour, toujours.


« Dans toute cette aventure, l’amour a toujours tenu le premier rôle, toujours il a occupé le devant de la scène, même lorsqu’il semblait avoir totalement déserté le décor, … Il en a été l’enjeu, et la clé, le noeud et l’issue, il a été ma quête et mon tourment, le refus et le don, il a été autant la raison de vivre que de mourir. (…) L’amour était le seul aliment dont je voulais, … il était mon caprice essentiel, mon exigence vitale, ma formelle condition, non négociable ».

Si vous avez aimé cet article, merci de le partager. Il peut donner de l’espoir à celles et ceux qui souffrent de ce trouble du comportement alimentaire.

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