Gaëlle Baudoin se confie au sujet de l’anorexie et boulimie dans son livre « la faim de vivre »

Au mois de juin, j’avais sollicité ma communauté dans cet article, afin de recueillir leur témoignage pour celles et ceux qui ont été confrontés à l’anorexie mentale.

Devant le peu de réponses recueillies (je remercie chaleureusement celles qui m’ont répondu), la restitution des témoignages va se concentrer autour d’un témoignage, celui de Gaëlle Baudoin, qui a souffert à la fois d’anorexie et de boulimie, et qui a gentiment accepté de me partager son livre : « la faim de vivre « , afin que je sélectionne quelques passages, qui vous permettront de découvrir sa douloureuse histoire au sujet des troubles du comportement alimentaire.

Voici la courte présentation du livre telle qu’on peut la trouver sur la Fnac ou sur Amazon :

« Quatre ou cinq kilos de moins, ce serait parfait. Elle se sentira mieux. » Quand le docteur a prodigué ce conseil, il ne se doutait pas de l’impact dévastateur qu’il aurait sur la vie de Gaëlle. Le dialogue se rompt avec sa mère qui, prête à tout pour lui faire perdre du poids, la surveille continuellement. Adieu les bons petits plats cuisinés avec amour et partagés en famille. Bonjour la privation et l’odieux rendez-vous avec la balance. Dès lors, la pression et les angoisses sont si fortes que l’adolescente ne trouve plus de consolation que dans… la nourriture. La longue descente aux enfers a commencé. À travers son histoire personnelle, Gaëlle Baudoin aborde avec franchise la douloureuse question de la boulimie et tente d’éveiller les consciences sur les conséquences désastreuses que peut avoir cette maladie du corps et de l’esprit sur celles et ceux qui en souffrent.

Extrait du Prologue du livre La faim de vivre

« Tout le monde peut un jour le connaître la boulimie ou l’anorexie. 5 % d’entre nous en souffrent ou en ont souffert durant leur vie. Une maladie où les sentiments de honte et de bien-être se croisent et se mélangent jusqu’à devenir obsessionnels. Comment un acte aussi naturel que se nourrir peut devenir une telle angoisse, une guerre intérieure si violente durant laquelle l’envie de vivre et celle de mourir reviennent tous les jours ? Une bataille quotidienne contre un ennemi invisible qui n’est en réalité que nous-même. Pour quelques personnes, cette maladie est devenue un système de défense contre la vie, contre les angoisses, les questionnements ou même n’importe quel sentiment, et donc un système pour se détruire à petit feu. Une descente aux enfers est en marche. Une simple phrase peut faire basculer la vie. Cette histoire pourrait être la vie de n’importe quelle jeune fille… »

Extraits du premier chapitre : une relation à trois

J’ai faim ! Combien de fois dans ma vie ai-je pu répéter cette phrase ? J’ai profondément ressenti cette faim de vivre et de liberté jusqu’au jour de mes onze ans. Une simple visite médicale qui aurait dû être banale, un simple contrôle de routine, a été le déclencheur de ma descente aux enfers.—Tout va bien, à part quelques kilos en trop, il va falloir la surveiller. Quatre ou cinq kilos de moins, ce serait parfait. Elle se sentira mieux, nous a dit le médecin à la fin de la consultation. Pour moi, cette phrase n’était qu’une phrase de plus d’un médecin scolaire. C’était un jour de juin, il faisait beau et j’avais déjà hâte d’être dehors pour en profiter. Son point de vue m’était complètement égal et je me sentais bien comme j’étais. (…)Le lendemain, un nouvel objet avait trouvé sa place dans la maison : la balance, un objet qui allait rapidement devenir mon ennemi.

Sa maman met en place un régime alimentaire puis viennent les premières frustrations.

À la maison, ma mère avait toujours en tête son idée de régime et elle a commencé à réorganiser les repas, ce qui a renforcé mon inquiétude. À partir de ce jour, j’ai eu le sentiment de ne pas être assez bien pour elle.

J’étais partagée entre l’envie de me faire plaisir et un sentiment de culpabilité. Et puis j’ai craqué. J’ai commencé à manger les premiers paquets, puis les suivants, de plus en plus vite. Je n’arrivais plus à m’arrêter et j’ai terminé tout ce que j’avais en réserve. J’étais partagée entre la honte d’avoir cédé, de ne pas avoir de volonté et une sensation de bien-être. Mes angoisses avaient disparu. J’avais, sans le savoir, fait ma première crise.

Extraits du chapitre 2 : l’année complexe

L’année de mes douze ans, je suis tombée par hasard sur une émission de télévision sur les anorexiques boulimiques. Comment pouvait-on se faire ça ? Manger à ce point pour ensuite se faire vomir ! Les images me dégoûtaient, je ne comprenais pas comment on pouvait en arriver à s’infliger cette punition. Ça me touchait, car je ressentais une profonde tristesse pour elles. Et puis, j’ai repensé à ce que j’avais fait toute seule avec la nourriture. Non, je n’étais pas comme elles. Je ne me faisais pas vomir, donc ce n’était pas pareil. Je me suis persuadée que mes épisodes précédents n’avaient rien à voir avec cette maladie, c’était juste l’adolescence qui arrivait. J’ai souvent repensé à ces images. Elles m’avaient plus touchée que je ne l’aurais cru.

Mais, petit à petit, je les ai oubliées, d’autant plus que les contrôles se passaient un peu mieux : le nombre sur la balance s’était décidé à descendre. J’étais ravie de retrouver un peu de calme. Ma mère me félicitait et elle me disait de continuer.

C’est également cette année que j’ai pris conscience que ma mère souffrait d’une maladie qui la rongeait lentement. Je devais être là pour elle, tout faire pour qu’elle soit heureuse et fière de moi, l’aider à être bien pour guérir.

Puis de nouvelles frustrations alimentaires, et de nouvelles fringales

Mon poids ne changeant toujours pas, ma mère a décidé de prendre les choses encore plus sérieusement. Un rendez-vous a été fixé chez une diététicienne pour le mois suivant.

(…)

Ça a été long et douloureux, mais toute la nourriture est sortie. (…) Alors que quelques mois auparavant, devant la télévision, ce spectacle m’avait dégoûtée, je commençais à comprendre ce qui poussait ces gens à le faire et ce qu’ils ressentaient : un sentiment de contrôle de leur corps.

Extraits du chapitre 3 : entre espoir et désespoir

Je suis devenue perfectionniste. En cours, je voulais être la première, même si je devais passer des nuits sur mes bouquins. Comme si le fait d’être la meilleure pouvait aider sa (sa maman) guérison.

Les crises étaient de plus en plus fréquentes. Je passais mes journées à les prévoir. Il fallait que je trouve de quoi manger, en quantité suffisante.

Je me suis transformée en une vraie toxicomane en manque. Je suis devenue folle. Je ne savais plus quoi faire. Je ne pouvais en parler à personne, j’avais trop honte de moi.

J’aurais aimé aller chez le médecin toute seule, mais à treize ans, on a besoin d’un adulte. Je n’en dormais plus la nuit et j’ai fini par appeler à l’aide, sans pour autant dire à quoi j’en étais réduite. J’ai demandé quelque chose afin de calmer mes angoisses. Cette fois, le médecin m’a prescrit des anxiolytiques.

Les médicaments l’assomment trop mais calment ses angoisses.

À présent, les crises revenaient toutes les deux à trois semaines. Au moindre gros stress, les angoisses refaisaient surface. Je me suis encore plus fermée. Cela faisait un moment que je n’allais plus vers les autres, j’avais trop honte de moi. Ma mère pensait que c’était à cause du collège et des autres élèves que j’étais anxieuse. Elle me mettait en garde sans arrêt, me répétait que pour être accepté de tous, il fallait être normal et faire attention à son poids.

Extraits du chapitre 4 : réaction inattendue

Après que son cousin a tenté d’abuser d’elle, le rapport à la nourriture se modifie.

Ça a été un choc pour ma mère. Elle m’a demandé pourquoi je ne lui avais pas dit plus tôt. Je pensais qu’en lui racontant, la culpabilité serait un peu moins présente, mais cela n’a rien changé. Je me sentais toujours aussi coupable de ce qui s’était passé cette journée-là. La nourriture a commencé à devenir une obsession, mais d’une autre façon. Je devais tout contrôler. La sensation de maîtriser un élément au moins me rassurait. Au début, j’ai juste réduit au maximum les proportions, …

J’ai compris très rapidement que ma mère avait téléphoné à ma tante pour la prévenir de la situation et que cela suffirait pour clore le chapitre. Il ne fallait pas faire de vagues dans la famille et essayer de passer à autre chose. On n’entreprendrait rien de plus. J’étais aussi surprise qu’abattue. J’avais le sentiment de n’avoir aucune valeur, de ne pas être considérée comme une personne à part entière.

Elle finit par se confier à une personne de son collège. Puis, une plainte est déposée. Mais,

Il m’arrive encore de repenser à cet épisode et de m’en vouloir de ne pas avoir eu le courage d’aller jusqu’au bout. Aujourd’hui, je ne sais pas si le délai de prescription est passé. Je ne sais pas si je peux encore entreprendre quelque chose.

Extraits du chapitre 5 : signaux corporels

Cet épisode m’a rendue plus fragile. Le corps envoie des signaux qu’il faut savoir écouter. La nourriture était la seule chose que je contrôlais. Je me sentais inutile et non désirée. Je ne voulais plus de cette vie, donc de cette nourriture. Mon poids commençait à descendre, mais ça m’importait peu. Je crois qu’à cette époque, comme je n’ai pas eu le courage d’en finir, j’ai choisi un moyen de disparaître petit à petit. Plus les semaines passaient et plus je m’enfermais dans le cercle aussi sournois qu’invisible de l’anorexie. Je calculais tout, j’y pensais tout le temps, je cherchais n’importe quel moyen pour ne pas assister aux repas.

Mais un mercredi, on m’a dit qu’on irait dîner chez ma tante le samedi.

Et d’un seul coup, ça a été le trou noir. Quand je me suis réveillée, ils avaient appelé le médecin, comme si une catastrophe était arrivée. Mais c’était juste un malaise, les émotions avaient pris le dessus et le corps avait enclenché la fin de la résistance. Le médecin m’a prescrit du repos pour quelques jours, mais je me suis vite mise à tourner en rond. Je ne sais pas si c’était un réflexe de survie ou un sentiment de vengeance, mais à partir de ce jour, il n’a plus été question de restrictions. Je ne m’explique toujours pas ce revirement complet. (…) La boulimie est revenue en un temps record. Et les kilos également.

Telle mère, telle fille ? Lors d’un rendez-vous chez le médecin, il lui a diagnostiqué une anorexie. C’est vrai qu’elle était mince, mais j’étais persuadée qu’elle ne mangeait pas beaucoup à cause de sa santé. Ça m’a causé un choc. Je ne l’ai jamais vue peser ses aliments ou regarder leurs calories, chose qu’en général, on fait en premier. Comme à chaque fois qu’elle était en désaccord avec le médecin, elle l’a envoyé balader. Du coup, je ne savais plus quoi penser. Souffrait-elle, elle aussi, de cette maladie ?

S’ensuivent cinq autres chapitres intitulés « la sensation d’une liberté toujours contrôlée », « un aller sans retour », « le poids identique », « perte de mémoire », et « entre envie et destruction ».

Je vous invite à lire en intégralité ce livre témoignage « la faim de vivre » qui permet de comprendre les divers éléments de vie intriqués dans ce trouble alimentaire complexe dont Gaëlle a souffert.
Quel courage il a fallu pour ainsi se livrer sur ses difficultés de vie, quel don de soi !

Extrait de l’épilogue

Profitez de la vie, réalisez vos projets, vos rêves… Une des grandes satisfactions de la vie est de se réaliser en accord avec nous-même et nos envies. Pour cela il faut parfois du temps mais ce sentiment de bien-être, de se sentir juste soi, à sa place est un sentiment de sérénité et de bonheur. Aujourd’hui le seul syndrome que j’ai gardé c’est une boulimie… de la vie ! Une véritable faim de vivre.

Gaëlle Baudoin

À 35 ans, Gaëlle Baudoin est actuellement secrétaire médicale en psychiatrie.

Elle a suivi une formation en diététique et psychologie afin d’apporter son aide concernant les troubles alimentaires dans le milieu associatif et hospitalier.

Elle aimerait avoir l’opportunité de travailler dans un service dédié aux TCA (troubles du comportement alimentaire).

Les lecteurs de cet article ont aussi lu l’article : « livre témoignage « je m’aime donc je vis » ou encore « guérir d’anorexie après 25 ans de maladie »

En conclusion, je recommande la lecture de ce livre témoignage « la faim de vivre » qui permet de bien comprendre que les TCA ne sont pas choisis mais bien subis, et à quel point c’est une souffrance pour les personnes qui les vivent.

Ce livre questionne sur la difficulté pour un professionnel de santé, médecin ou autre, d’aborder le poids et sa gestion au cours d’une consultation, et le tact à adopter afin que les mesures préconisées n’enclenchent pas un trouble du comportement alimentaire.

Enfin, dans certains cas, un parent ou un proche de la personnes malade est aussi atteint de TCA et ceci ne doit surtout pas être blâmé, mais bien dépisté afin d’aider et de contribuer également à la prise en charge du proche.

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Donnez moi en commentaires vos impressions sur ce livre émouvant et si cela fait écho à votre histoire ou celle d’un proche.

Enfin, si vous êtes un professionnel de santé en service TCA et que vous reconnaissez le rôle thérapeutique de la pair aidance, Mme Gaëlle Baudoin pourrait s’avérer une alliée précieuse dans une équipe spécialisée, ayant démontré de formidables capacités de résilience dans cette guérison d’un TCA. Vous pouvez utiliser le formulaire de contact de ce site le cas échéant ou l’adresse mail : [email protected]

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3 commentaires sur « Gaëlle Baudoin se confie au sujet de l’anorexie et boulimie dans son livre « la faim de vivre » »

  1. Très beaux extraits, merci pour le partage. Très instructif aussi en consultation ou dans l entourage pour mieux dépister et comprendre les enjeux…quand on voit que cela a débuté par une simple remarque du médecin…

  2. Waouw merci pour cet article.
    J’ai lu tous ces passages et ça fait froid dans le dos!
    Effectivement, ça peut vite arriver à n’importe qui avec seulement par exemple une petite phrase qui peut semblait « bâteau » d’un proche ou d’une autre personne.
    Pour les troubles digestifs dont je parle, le pas peut peut-être vite être franchi (pour peut-être se passer des douleurs si un aliment n’est pas passé par exemple…)
    En tout cas, peu importe la situation, le premier point qui est important est de se rendre compte de la situation et le deuxième point très important est de se faire suivre.
    Même si c’est 2 points seront peut-être durs à admettre (ou mettra du temps), une fois que le processus sera inversé vous pourrez vous dire merci d’avoir pris les choses en main à temps.
    Bon courage à tous.

  3. C’est une période difficile pour choisir si manger, combien manger, quoi manger. Heureusement, l’alimentation n’est plus une idée fixe pour moi, même si je n’ai jamais souffert de ces maladies, mais j’avais fait attention à mon poids. Maintenant, je suis convaincue que moins vous y pensez et plus vous vous concentrez sur d’autres choses, plus votre corps est beau et plus vous commencez à vous aimer. Merci pour l’article !

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