J’ai trouvé utile de vous relayer dans cet article, une émission intéressante de FranceTV slash, qui s’est proposée de déconstruire les clichés à propos des troubles des conduites alimentaires.
Plusieurs personnes sont venues témoigner sur le plateau et répondre aux clichés véhiculés à propos des TCA.
Ensemble ils et elles vont échanger sur ce que c’est que de souffrir de TCA et sur les étiquettes qui les accompagnent au quotidien. Lesquelles sont vraies, lesquelles sont fausses.
En catégorisant de cette façon un individu, en se basant sur des clichés ou des préjugés, elle reste un signe de distinction auprès des interlocuteurs. Après avoir répondu aux différentes affirmations par « vrai » ou « faux », chacun des intervenants va réagir, au regard de son expérience individuelle, sur ces clichés ou ces réalités.
Deux règles d’or : l’écoute et la bienveillance dans les échanges et un seul objectif : montrer que, si les invités sont issus d’un même groupe sociologique, ils ne partagent pas nécessairement la même opinion. Et c’est tant mieux !
Voici les intervenants :
Caroline 35 ans, ayant souffert d’anorexie pendant plus de 15 ans,
Morgan, 26 ans, ayant souffert d’anorexie non boulimique vomitive,
Assara, 25 ans, ayant souffert d’hyperphagie (qu’elle qualifie de boulimie sans purge)
Coline, 15 ans, ayant souffert d’anorexie pendant presque 2 ans,
Mickael,, 30 ans, animant le podcast les maux bleus, a souffert de plusieurs TCA par phases : anorexie, boulimie, puis hyperphagie
Diane, 23 ans, a souffert de boulimie et d’anorexie et souffrant encore un peu d’anorexie.
Voyons à présent les clichés à propos des TCA abordés par les différents intervenants
Premier cliché : Souffrir de TCA, cela se voit physiquement
Les 6 personnes répondent : faux.
Peu de spectateurs indiqueraient que ces personnes sur le plateau souffrent ou ont souffert de TCA, car cela ne se voit pas toujours physiquement.
Et, de plus, il y a une grande diversité dans les TCA, et chaque corps l’exprime différemment (métabolismes différents, tempérament…).
Notamment pour le TCA le plus cliché, un peu médiatiquement construit il y a quelques années, est l’anorexie avec une personne très amaigrie et dont on voit tous les os.
Mais l’anorexie n’est pas toujours reliée à de la cachexie et un IMC très bas.
Parfois une personne avec un IMC supérieur aux valeurs usuelles peut aussi à un moment donné de sa vie basculer dans l’anorexie. Beaucoup de personnes assimilent à tort le TCA a un physique particulier.
Les TCA sont des troubles des conduites alimentaires qui vont bien au delà de l’apparence physique, de la corpulence.
C’est vraiment l’aspect comportemental qui les définit.
Le poids est central dans les TCA mais pas dans la manière dont le grand public peut l’imaginer : il est surtout central car cela devient, au gré des difficultés de la vie, quelque chose qui est obsédant pour la personne.
C’est plutôt l’idée de ne pas prendre du poids ou de perdre du poids qui envahit la personne. Au début, si la gestion du poids peut être choisie (mais ce n’est pas systématique), souvent ce contrôle, une fois le TCA installé, s’impose à la personne atteinte.
Deuxième cliché : les personnes qui souffrent de TCA n’aiment pas la nourriture
Les 6 intervenants répondent initialement : Faux
Au contraire, au départ, ils aiment la nourriture. La nourriture et le comportement associé correspond plus à un révélateur de leur mal être.
Avant son TCA, Diane témoigne qu’elle adorait manger. Mais pendant le trouble, la prise alimentaire est surtout associée à de la souffrance. Diane change alors de camp (elle va sur le canapé du « vrai ») pendant l’échange avec les autres, puisqu’elle n’a plus vraiment de plaisir lorsqu’elle mange. C’est la culpabilité qui prend le dessus. Cela est lié au fait qu’elle n’est pas guérie.
Assara se range du côté de Diane en mentionnant que lorsqu’elle était malade, elle intellectualisait trop le plat, en calculant les calories et en catégorisant les aliments en bons ou mauvais.
Morgane introduit la nuance du contrôle de la personne qui cuisine : si la personne atteinte de TCA mange un repas qu’elle n’a pas cuisiné ou élaboré, cela peut devenir vraiment compliqué pour elle.
Morgan et Coline témoignent d’ailleurs qu’en phase anorexique, ils se « nourrissaient » de photos de nourriture sur Instagram. Ceci est assez fréquent chez les personnes souffrant de TCA.
A ce sujet, je peux témoigner que lorsque mon fils de 10 ans était hospitalisé pour anorexie grave, il regardait des émissions de cuisine à la TV, chose qu’il n’avait jamais faite auparavant et cela nous (ses proches) avait surpris tant ce n’était pas dans ses habitudes.
Troisième cliché : on tombe dans les TCA par choix
Réponse absolument unanime pour les 6 intervenants : faux !!!
Diane expose qu’elle a souffert des remarques des autres sur la quantité qu’elle ingérait et a commencé à se faire vomir.
Assara explique que beaucoup de gens dans sa famille étaient au régime. De plus, comme elle recevait des compliments uniquement sur son physique, elle a ainsi basculé dans l’hypercontrôle de ce qu’elle mangeait ce qui a entraîné l’hyperphagie.
émission anorexie boulimie hyperphagie et clichés
Mikael explique que la modification de son alimentation est survenue après que sa mère a eu un accident lorsqu’il avait 15 ans.
Morgan explique le début de ses troubles alimentaires suite à une déception amoureuse. Le rival était fin et musclé, et de surcroit le menaçait physiquement. Morgan a donc fait plus de sport, probablement à la fois pour « s’affiner » et pouvoir se défendre. Il mentionne : « au final, je ne me suis pas vu chuter ».
Les personnes qui ont apprécié l’intervention des garçons touchés par les TCA peuvent être intéressées par l’article sur l’anorexie mentale masculine.
Coline, se trouvait grosse, depuis assez jeune. Elle a recherché assez vite des solutions pour maigrir et contrôler son poids. Ensuite, la maladie s’est installée.
Quatrième cliché : les personnes qui souffrent de TCA ne veulent pas être aidées
4 personnes répondent vrai et 2 faux.
Coline, ayant répondu vrai, a expliqué la phase de déni initiale, où le TCA agissait comme une drogue et lui « faisait du bien ».
Diane a longtemps refusé de se faire aider. Puis, lorsqu’elle s’est retrouvée « misérable », elle a accepté l’aide. Elle a été suivie par une psychologue. Mais elle n’est plus aidée au moment du tournage de l’émission. Elle pense qu’elle arrive à vivre et à gérer son TCA seule.
Puis, Céline explique à Diane qu’elle a fait comme elle et joué à ce « jeu dangereux » pendant 15 ans. Mais le jour où elle a accepté qu’elle ne pouvait plus contrôler son poids, qu’elle avait fait le deuil de ce contrôle quotidien du poids, elle a réussi à en sortir.
Coline confirme que le lâcher prise est une étape importante notamment chez les personnes souffrant d’anorexie.
Morgan, se situant dans le camp du faux, explique que lui, sans la balance et la pesée, n’aurait pas objectivé qu’il avait un TCA. Une fois cela réalisé, il a accepté l’aide.
Assara explique que c’est plus la dépression associée au TCA qu’il l’a conduite à demander de l’aide et à se faire hospitaliser.
Mikael, lui, se situant dans le camp du vrai, introduit une notion importante : celle de différencier les personnes qui ont un TCA, et celles qui souffrent d’un TCA.
En effet, celles qui ont un TCA sont encore dans le déni et refusent souvent l’aide car elles se sentent bien ainsi et ne voient pas de problème. Ainsi, c‘est lorsque la souffrance s’installe que l’acceptation de la prise en charge se fait jour. Pour Mikael ce fut après une violente crise de boulimie et des idées suicidaires qu’il s’est rendu aux urgences et a accepté une prise en charge.
Cinquième cliché : les TCA c’est pour ressembler aux mannequins
Réponse unanime des 6 participants ! c’est faux.
Caroline mentionne que c’est surtout pour être mieux acceptée par les autres au lycée qu’elle a commencé un régime. Elle explique : « on recherche à être validée, à plaire ».
Diane expose l’esprit malsain de compétition qui peut s’installer pour maigrir toujours plus. Et notamment, elle a navigué sur des sites internet pro ana, qu’elle déconseille bien entendu.
Mikael a vécu la perte de poids plus comme un TOC (trouble obsessionnel compulsif) : le chiffre du poids sur la balance devait être toujours plus bas. Il ne prêtait pas vraiment attention à son corps mais à un chiffre.
Sixième cliché : les TCA c’est pour toute la vie
Il faut prendre la question au sens : les TCA peuvent revenir durant toute la vie de la personne.
La moitié des intervenants répond vrai, et l’autre faux.
Pour Assara, les TCA sont souvent très insidieux et peuvent revenir au moindre problème, se « faufiler à la moindre porte ouverte« . Elle explique qu’il faut avoir fait le travail nécessaire pour savoir pourquoi cela est venu, comment se calmer d’une autre façon que dans l’hypercontrôle. Le confinement a fait ressurgir la menace du TCA pour Assara.
Coline indique qu’elle se sent encore vulnérable aux remarques que les autres pourraient faire sur son physique. Elle dit avoir encore quelques restes de son TCA : la culpabilité, des pensées négatives.
Céline est d’accord avec les positions d’Assara et Coline et pourtant elle a choisi : faux. Elle compare les TCA avec l’alcoolisme comme addiction. Une vulnérabilité peut exister.
Pour Morgan, il dit qu’il ne retombera jamais dedans, à moins, peut être, d’un gros choc émotionnel comme la perte d’un être cher qui le déstabiliserait.
Céline évoque aussi les causes biologiques (qui sont effectivement avérées) et notamment la plus grande sensibilité de certaines personnes à la moindre phase de jeune (grippe, maladie intercurrente : dépression, troubles digestifs…) peut refaire basculer la personne dans le TCA.
Mikael témoigne justement que c’est ce qu’il a vécu : la première instauration de son TCA était lors d’un choc émotionnel, puis il a rechuté à cause d’une grippe et gastro.
Morgan termine par rapport au trouble anorexique : « on ne veut pas être tout fin de base, on veut juste se sentir bien avec nous même ».
Diane, qui n’est pas encore guérie, expose des choses qu’elle est maintenant capable de faire comme s’autoriser à déguster un aliment qui lui fait envie. Cela témoigne de ses progrès.
Morgan rebondit sur le fait que « d’apprécier ce que tu manges est l’une des plus grandes victoires« .
Leurs conclusions
Diane : on peut sortir du trou, il y a un chemin qui existe,
Assara : c’est un combat un peu compliqué mais on s’en sort, cela passe, on y arrive. Après la vie est tellement cool ! Demandez de l’aide !
Morgan : On peut être malade et en guérir pleinement
Céline : la frontière entre un régime et l’anorexie est floue, on peut vite déraper, se prendre dans l’engrenage et ne plus pouvoir sortir de ce cercle vicieux de contrôle du poids et de l’alimentation
Coline : on peut guérir et en sortir et surtout il faut en parler car cela n’est pas assez connu.
Mikael : il faut en parler, énormément de gens sont touchés, et/ou peuvent être touchés. La prévention en France est insuffisante, il y a trop de promotion de la minceur et de la maigreur. Les autorités sanitaires devraient prendre plus de mesures de prévention auprès des jeunes, pour éviter qu’ils ne tombent dans les TCA et entrainent leur entourage avec eux.
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Merci beaucoup Emma pour cet article … J’avoue ne pas être confronté à des TCA autour de moi mais qui sait, peut-être que je l’ignore … en tout cas la lecture de ton article m’apporte une ouverture d’esprit sur le sujet …
Merci Emma pour ce résumé très intéressant ! Enfin une émission qui prend la peine de déconstruire les préjugés autour des TCA, plutôt que de caricaturer… Pour l’anorexie, je confirme : j’ai vécu cela pendant environ un an, et je partais d’un poids élevé. Tout le monde me félicitait pour ma perte de poids, alors que j’étais juste tombé dans l’autre versant de la maladie ! Comme quoi, il faut toujours s’abstenir de juger le physique d’une personne.
Merci Claire pour ce commentaire. En effet, je suis parfaitement d’accord sur le fait de s’abstenir de juger, de commenter le physique d’une personne. Malheureusement, on rencontre fréquemment ce problème, et, pour les personnes qui ont une faible estime de soi et/ou confiance en soi, cela majore le trouble alimentaire