Voici dans cet article une chronique d’un livre « l’orthorexie, quand manger sain devient obsessionnel » que j’ai trouvé fort pertinent et bien construit.
L’auteure, Renée Mac Gregor est diététicienne et nutritionniste spécialisée en sport de haut niveau. Elle accompagne depuis plus de 10 ans les équipes olympiques et paralympiques du Royaume Uni. Elle est l’auteure de Training food, Votre coach nutrition avant, pendant et après l’entraînement.
Qu’est ce que l’orthorexie ?
De façon succincte, l’orthorexie est le fait de vouloir manger sain exclusivement, comportement qui devient obsessionnel.
A travers cet ouvrage, Renne Mac Gregor, décortique une nouvelle tendance alimentaire, peut être en passe d’être répertoriée par le DSM 5 (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) comme un nouveau trouble du comportement alimentaire.
Ce comportement alimentaire peut réellement empoisonner des vies dès lors que l’individu qui l’adopte n’a plus le recul suffisant pour évaluer l’impact de cette conduite sur sa santé. L’individu est emprisonné dans sa conduite et les conséquences de celle ci lui échappent.
La qualité sanitaire de son alimentation devient obsessionnelle et le comportement lié au choix des matières alimentaires devient compulsif : le plaisir de manger disparait, seules comptent les règles alimentaires strictes que l’individu orthorexique s’est fixées.
L’orthorexia nervosa, cette idée de « manger propre » peut être véritablement invalidante et déstructurante pour les personnes qui en souffrent. L’objectif de cet ouvrage est d’expliquer comment manger sain peut mal tourner et comment faire pour lutter contre cela.
Renée Mc Gregor décline ce livre en quatre parties.
Première partie, l’orthorexie , SES causes et Ses symptômes.
Le terme « orthorexie » voit le jour en 1996 lorsqu’un médecin américain, le Dr Steven Bratman observe des patients présentant une obsession de se nourrir sainement : il nomme alors ce comportement « orthorexia nervosa » autrement dit l’obsession d’une alimentation correcte.
L’auteur, dans un tableau comparatif, décline les troubles alimentaires suivants : l’anorexie nerveuse, la boulimie nerveuse et l’orthorexie nerveuse, en comparant notamment les grandes tendances pour chaque trouble, l’image du corps associé, les symptômes physiques, et émotionnels. Il en découle que l’orthorexie, n’est pas une unique volonté de manger sain mais traduit une obsession de la recherche de pureté dans la façon de vivre.
Un schéma à bulles traduit les différentes caractéristiques (communes ou isolées) de l’orthorexie corrélées aux TOC et à l’anorexie.
Les causes de l’orthorexie
Elle dénonce le concept « trop d’information tue l’information » : en fait, l’information mal utilisée ou mal interprétée par l’individu qui la reçoit peut être hautement nuisible. Or, de nos jours, la compétition dans la presse est ardue : quel journal va sortir le meilleur régime express? quel promet tel ou tel résultat en moins de X jours, pour être la plus belle en maillot de bain, le plus musclé ? Ceci n’est même pas caricatural… Et c’est bien dommageable. Ainsi, savoir trier l’information, surtout à cette époque d’explosion des réseaux sociaux, pour ne pas subir la désinformation reste crucial. Les personnes vulnérables sur le plan psychologique et /ou somatique sont des cibles faciles pour ces vendeurs de rêve. Ces personnes doivent donc impérativement être suivies sur le plan médical et /ou psychothérapeutique, ce qui, lors de maladies « psychologiques », demande parfois plusieurs années.
Les individus qui dérivent vers un comportement orthorexique ont souvent pour objectif le perfectionnement d’eux mêmes, par la qualité de leur alimentation : il s’agit d’un facteur sous jacent fondamental. Il est plutôt bien, me direz vous, d’être à la recherche de perfectionnement de soi même : toutefois, lorsque cet objectif est celui de personnes ayant peu d’estime d’elles mêmes, de confiance en elles, ayant un besoin excessif d’être parfaites, ou un manque d’auto compassion, le comportement alimentaire devient alors souvent source de stress, d’anxiété et le cercle vicieux s’installe.
les symptômes de l’orthorexie
Le fait de se cacher derrière une allergie alimentaire, pourtant non diagnostiquée est commun chez les individus orthorexiques. Une intolérance ou une allergie alimentaire reste un diagnostic médical.
Des individus souffrant de TOC (troubles obsessionnels compulsifs) sont plus susceptibles d’être atteints d’orthorexie. Cela s’explique notamment par un besoin de contrôle permanent sur tout et n’importe quoi, qui leur donne l’illusion d’avoir le contrôle de leur vie.
Les individus orthorexiques peuvent avoir des rituels particuliers en lien avec la nourriture, refuser de manger les repas concoctés par quelqu’un d’autre, refuser les invitations qui impliquent la prise de repas. Ces personnes expriment parfois des remords d’avoir transgressé les règles, éprouvent un sentiment de culpabilité.
Pour déjouer les pièges de la désinformation, de l’injonction perpétuelle via internet, via la presse, des mythes de « manger propre », chacun doit trouver ses propres ressources dans lesquelles puiser, et déterminer ses besoins spécifiques. Nous sommes tous des funambules en équilibre, mais chacun son fil, chacun son pas, sa hauteur…
Deuxième partie : régime et nutrition, les fausses promesses de l’orthorexie
En théorie, Manger est naturel et ne doit pas être une source de privation, ni suivre des règles strictes. Cela devrait être ainsi donc en pratique, pour tous.
Si des changements nutritionnels sont instaurés, ils sont supposés être durables, positifs et améliorer la santé de l’individu. C’est lorsque ces changements deviennent obsessionnels ou contraignants qu’ils enferment l’individu dans un trouble de l’alimentation sous-tendu par une fausse promesse.
De par sa résilience, le corps soumis à certaines privations va s’adapter pour continuer à fonctionner. L’Orthorexie est un trouble alimentaire difficile à repérer tant que la situation n’est pas devenue extrême.
Les besoins nutritionnels du corps
Il y a 11 systèmes principaux dans le corps, et chacun d’entre eux nécessite une nutrition optimale et équilibrée pour son fonctionnement, faisant en général appel à toute la diversité des macros nutriments et ainsi à toutes les familles d’aliments.
Le système circulatoire et cardio-vasculaire, le système digestif, le système endocrinien, le système exocrine, le système immunitaire, le système musculo – squelettique, le système nerveux, le système rénal, le système reproducteur, le système respiratoire, le système sensoriel. Tous ces systèmes ont besoin d’hydrates de carbone, de protéines, de graisses comme macro nutriments.
Ils ont aussi besoin de micro nutriments : Fer, calcium, potassium, zinc, vitamines, D C B….
une kyrielle de régimes
L’auteur décline ensuite les régimes pauvres en glucides , en graisses, pauvres en produit laitier , riches en protéines, pauvres en gluten, sans sucres… : elle explique quelles sont les promesses de chaque régime, puis élabore une critique constructive en déterminant quelles sont les assertions vraies et celles qui relèvent de l’imposture.
Elle analyse également quelles sont les quantités recommandées dans chaque famille de macro nutriments.
Ce cortège de régimes, qui fait en permanence les gros titres des magazines afin de vendre du rêve peut donc s’avérer toxique ; seul un médecin nutritionniste, un diététicien ou autre professionnel de santé (gastro-entérologue, endocrinologue…) peut dans l’absolu indiquer individuellement si quelqu’un a besoin de tel ou tel “régime”.
Troisième partie, comment se libérer de l’Orthorexie.
Premièrement il est important de rappeler que seuls les professionnels de santé peuvent établir un diagnostic de maladie de Crohn, d’intolérance au gluten,…
Deuxièmement, Internet si merveilleux soit-il est le lieu d’une abondance en informations mais aussi de désinformation.
En effet personne ne régule qui “poste” quoi, et qui prétend être un expert dans son domaine.
L’auteur retient le principe de la modération, et surtout elle l’explique.
Aucune nourriture ne doit être diabolisée!
De surcroît, l’équilibre alimentaire dépend de l’activité physique de l’individu : modérée, sédentaire ou très actif.
Si l’individu ne sait plus se repérer au milieu de toutes ces “injonctions” nutritionnelles, il doit faire appel à un diététicien, ou un médecin nutritionniste qui établira de façon personnalisée le meilleur régime alimentaire.
Manger sainement est finalement une affaire d’équilibre nutritionnel, à atteindre sur une certaine durée et non pas sur une journée.
Il est important aussi de s’écouter, de respecter ses goûts et de prendre plaisir à composer de nouvelles assiettes, la nourriture devant être considérée comme un ami, et/ou comme un art (Alexia Savey en témoigne dans sa demande aux grands chefs de l’aider à combattre sa maladie).
Il est urgent d’écouter son corps et de faire confiance à cette capacité innée que nous avons tous de réclamer une nourriture spécifique quand quelque chose nous fait défaut. Il est important de relâcher les règles et prendre confiance en soi pour échapper à l’Orthorexie.
Prendre soin de son esprit et faire preuve d’auto compassion sont des capacités fondamentales à développer, à travailler chez l’individu orthorexique.
L’exercice physique pratiqué de façon adaptée permettra également d’équilibrer le corps et l’esprit (relâchement du corps et des tensions, régulation et évacuation du stress par la production d’endorphines naturelles…) .
Quatrième partie : comment croquer la vie à pleines dents
Si vous pensez être atteint d’orthorexie, il est conseillé de :
– s’entourer de professionnels compétents avec lesquels instaurer une relation de confiance : médecins en cas de troubles somatiques, spécialistes de la nutrition (diététicien, médecin nutritionniste, experts de la santé mentale (psychothérapeute psychologue psychiatre). Renée Mc Gregor détaille comment choisir ses thérapeutes.
-prendre de la distance avec les réseaux sociaux (savoir qu’une méthode qui marche pour l’un ou l’une peut ne pas fonctionner pour un/e autre voire être contre indiquée), de pratiquer le yoga et/ou la méditation
– accepter les divers plaisirs de la vie, notamment celui de manger mais pas uniquement (apprécier trois choses simples par jour : concept à rapprocher de la méditation de pleine conscience), ne pas viser la perfection en permanence ce qui est impossible et dès lors cause de la frustration et du déplaisir!
Renée Mc Gregor émet le souhait d’accroître la prise de conscience collective concernant l’orthorexie : l’orthorexie existe probablement depuis longtemps mais est mal documentée et peu connue ; pourtant, elle peut être un trouble grave menant parfois à d’autres TCA, et gagne à être mieux connue et dépistée.
remarque : Une grille d’évaluation (ORTO-15) existe pour diagnostiquer l’orthorexie mais est sujette à controverses (échantillonnage, fiabilité des réponses…)
J’espère que cette chronique vous a plu et vous incitera à lire cet ouvrage fort enrichissant !