Y a-t-il un lien entre le TDAH (trouble du déficit de l’attention/hyperactivité) et les troubles de l’alimentation ?
Ici, on ne traite pas spécifiquement des troubles du comportement alimentaire mais plus généralement des troubles de l’alimentation (le comportement n’est pas forcément anormal).
Ce sujet est issu et traduit d’un article de blog cité en référence en bas de page. Il s’accompagne en dernière partie de mes réflexions au sujet du TDAH et de l’alimentation.
Le TDAH en hausse
Le TDAH, ou trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité, est l’un des problèmes de santé mentale les plus courants chez les enfants, en particulier aux États-Unis.
Le taux de diagnostic du TDAH a augmenté au cours des 20 dernières années en grande partie en raison d’une sensibilisation accrue, d’une diminution de la stigmatisation et d’un meilleur accès aux soins de santé.
Ce trouble cérébral est associé à des difficultés à se concentrer, à rester organisé et à contrôler les impulsions.
Bien que les enfants et les adultes ayant ce diagnostic puissent sembler débordants d’énergie, ils éprouvent du mal à canaliser efficacement cette énergie et à contrôler leur impulsivité.
Ils peuvent agir avant d’avoir réfléchi, parler à tour de rôle ou dire des choses qu’ils regrettent plus tard et donc les relations personnelles et professionnelles peuvent souffrir.
Le lien entre le TDAH et la suralimentation
Nous vivons dans une culture où nous sommes constamment attirés par les aliments riches en calories. Cela peut être particulièrement difficile pour ceux qui mangent en réaction à des signaux environnementaux plutôt qu’en raison de sentiments de faim.
Comme ceux qui ont une alimentation désordonnée, les personnes atteintes de TDAH font souvent face à l’ennui, au stress et aux sentiments intenses en mangeant trop pour s’apaiser. Les personnes atteintes de TDAH peuvent oublier de manger et « se gaver » plus tard. Ils peuvent également avoir de la difficulté à planifier et à magasiner à l’avance, ce qui peut entraîner un élan du moment et une alimentation incontrôlée.
Selon une enquête nationale américaine auprès des parents de 2016, 6 enfants atteints de TDAH sur 10 avaient au moins un autre trouble mental, émotionnel ou comportemental (source : Données et statistiques sur le TDAH | CDC).
La recherche se concentre sur les liens entre le TDAH et la suralimentation chez les adolescents et les adultes. Une étude récente menée par des chercheurs du Child Study Center du Langone Medical Center de l’Université de New York a révélé que les hommes diagnostiqués comme enfants atteints de TDAH étaient deux fois plus susceptibles d’être en surpoids dans une étude de suivi de 33 ans que ceux qui n’avaient pas reçu de diagnostic de la maladie.
Les chercheurs ont attribué l’incidence plus élevée de l’obésité chez les adultes atteints de TDAH au manque de contrôle des impulsions et aux mauvaises compétences en planification conduisant à de mauvais choix alimentaires et à des habitudes alimentaires irrégulières.
Armé de données comme celle-ci, il est extrêmement important que les enfants et les adolescents atteints de TDAH apprennent de saines habitudes alimentaires afin d’éviter de développer des habitudes alimentaires désordonnées.
Déficiences en neurotransmetteurs et TDAH
Les experts conviennent que le TDAH est causé par un déséquilibre dans la chimie du cerveau. Plus précisément, les neurotransmetteurs norépinéphrine (=noradrénaline) et dopamine peuvent être rares dans le cerveau des personnes atteintes de TDAH.
Bien qu’une trop grande quantité de norépinéphrine puisse contribuer à l’anxiété, trop peu peut causer des problèmes de concentration et d’apprentissage. Ceux qui ont une carence en norépinéphrine ont du mal à bloquer les distractions et à organiser leur vie.
La dopamine est essentielle pour contrôler les impulsions et permettre à une personne de s’asseoir immobile et d’attendre.
Les personnes qui manquent de dopamine peuvent agir de manière impulsive, évanouir les opinions, éclater de colère et ressentir plus tard des regrets.
Comme la dopamine est une partie essentielle du circuit de récompense de l’organisme, une carence dans ce neurotransmetteur intensifie l’envie de se livrer à des comportements tels que la suralimentation, la toxicomanie et d’autres comportements à risque pour obtenir la même récompense que les autres obtiennent de comportements moins nocifs.
Les personnes dont le cerveau est faible en dopamine « s’automédicamentent » souvent avec des aliments riches en calories en raison de sa capacité à activer la dopamine dans la voie de récompense commune.
Une carence dans les deux neurotransmetteurs norépinéphrine et dopamine peut entraîner les comportements suivants liés à l’alimentation :
- Mauvaise conscience des signaux internes de faim et de satiété, ou de plénitude
- Incapacité à suivre un plan de repas
- Incapacité à juger avec précision de la taille des portions
- Incapacité à arrêter de se gaver ou de purger
- Distraction par des pensées continues sur la nourriture, le poids et la forme du corps
- Désir accru de trop manger, en particulier des aliments riches en calories, de type « récompense »
- Mauvaise estime de soi due à des échecs répétés de maîtrise de soi
Qui est venu en premier ?
Chez les patients présentant des problèmes psychiatriques et alimentaires concomitants ou des troubles concomitants, qui est arrivé en premier ?
Le TDAH est-il l’interrupteur qui active le trouble de l’alimentation, ou le trouble de l’alimentation laisse-t-il le cerveau tellement sous-alimenté qu’il ne peut pas fonctionner de manière optimale ? Cela varie en fonction de la personne.
Chez certaines personnes, les troubles de l’alimentation évoluent avec d’autres symptômes psychiatriques.
Dans d’autres, les signes d’un trouble psychiatrique ne sont pas apparents tant que les habitudes alimentaires désordonnées ne sont pas fermement établies.
Et encore dans d’autres, les problèmes d’humeur et les problèmes d’appétit semblent toujours avoir coexisté.
Quel que soit l’ordre d’apparition, la présence simultanée de troubles de l’alimentation et d’une maladie mentale signifie qu’un traitement efficace de l’alimentation désordonnée doit traiter les deux conditions.
C’est la seule approche qui peut conduire au rétablissement et prévenir les schémas trop courants de rechute.
TDAH : un diagnostic couramment manqué
La relation entre les troubles psychiatriques et les troubles de l’alimentation est complexe.
Le TDAH est le diagnostic le plus manqué en ce qui concerne les problèmes alimentaires et d’appétit.
Les adultes qui cherchent un traitement pour une frénésie alimentaire ou l’obésité devraient subir un dépistage du TDAH.
Un traitement efficace du TDAH peut aider considérablement les patients hors des montagnes russes d’une alimentation désordonnée.
Souvent, la forte envie de se gaver ou de s’automédicamenter avec de la nourriture s’atténue une fois que l’impulsivité et l’inattention du TDAH sont traitées.
Une personne peut éprouver une nouvelle capacité à syntoniser les signaux du corps, à contrôler les envies et à améliorer le contrôle des impulsions.
Mes réflexions à propos du TDAH et de l’alimentation
Depuis quelques décennies, nous voyons fleurir une kyrielle d’appellations et de diagnostics de troubles psychiques et/ou cognitifs, ou comportementaux : TDAH, toute la catégorie des troubles DYS…, les personnalités limite, les TCA (en forte augmentation eux aussi)…
Il s’agit de conceptualiser, de catégoriser (selon des critères cliniques) les observations de comportements jugés anormaux et pourtant de plus en plus observés. Je ne dis pas que ces troubles n’existent pas, mais me demande pourquoi ils sont de plus en plus fréquents.
A l’échelle des temps de l’humanité, ces concepts, ces diagnostics décrits chez l’homme de l’ère industrielle (considérons 2 siècles, la psychiatrie moderne ayant débuté au début du 19 ème siècle), ne représentent qu’une infime fraction de temps (0,067 %. !!!) depuis qu’Homo Sapiens existe (environ 300 000 ans).
Or la révolution industrielle a depuis un siècle drastiquement et magistralement modifié tout notre environnement naturel ainsi que notre environnement social et sociétal.
Jamais il n’y a eu d’abondance alimentaire aussi prégnante qu’aujourd’hui (du moins dans les pays « industrialisés »), jamais il y a eu autant d’inactivité physique qu’à notre époque (on peut faire référence notamment aux 500 esclaves énergétiques de chaque personne vivant à l’occidentale), jamais il n’y a eu autant d’activité cérébrale (économie tertiaire et de services, intelligence artificielle…) qu’à notre époque. Tout ceci a des conséquences sur le développement inévitable de nouveaux troubles, nouveaux désordres…
On pourrait poser le problème aussi ainsi : est-ce à l’homme de s’adapter à la société, ou bien à la société de s’adapter à l’homme ? Plus trivialement, est-ce au pied de s’adapter à la chaussure, ou à la chaussure de s’adapter au pied ? Je pense que vous trouverez aisément votre réponse. Pour ma part, il me semble plutôt que le système éducatif « moderne » actuel vise à adapter les jeunes à notre société industrielle et productiviste et non l’inverse.
Nos jeunes sont-ils faits pour rester assis 8 heures par jour voire souvent plus, 4 à 5 jours par semaine ?
Nos jeunes sont-ils faits pour recevoir (par manque de temps pour le choix des ingrédients, l’élaboration, et la préparation des repas) une alimentation raffinée, industrialisée, emballée, contenant conservateurs et additifs, à consommer rapidement sur le pouce, pour ensuite poursuivre le reste de leur journée imposé par une société devenue consumériste et productiviste ?
Ce problème de TDAH étant plus sévère aux Etats Unis et devenant de plus en plus fréquent en France est à relier (en partie) au pic glycémique élevé post prandial (corrélé à l’index glycémique de certains aliments industrialisés) et aux activités effectuées ensuite : sans activité motrice suffisante et adaptée en journée (correctement intercalée avec les apprentissages cognitifs), toutes les hormones et neuro-hormones étant interdépendantes, les troubles de l’attention et l’hyperactivité augmentent.
J’en reviens ainsi aux adages bien connus : « Le corps est bien fait et ne ment jamais » et « Notre corps est fait pour la survie ». Ainsi, lorsqu’un organisme reçoit un carburant a haute valeur énergétique et/ou index glycémique élevé, l’organisme va tout naturellement grâce à cette énergie avoir un regain d’activité (ce qui peut être vu à tord comme une hyperactivité) car nous sommes naturellement concernés par les lois de la physique, et même de la thermodynamique.
Appréhendons la question par quelques métaphores. Comme lorsque vous chargez une cheminée en bois à combustion rapide (bois de feuillus tendres comme le bouleau par exemple), il y a aura une réactivation des flammes et consécutivement de la combustion. Qu’allez vous faire alors ? Eteindre le feu, en balançant de l’eau dessus ? Utiliser de la ritaline ND, sans analyser la cause sous jacente de l’hyperactivité ni la résoudre ? Mettre un couvercle sur la casserole sans baisser le feu dessous ? D’ailleurs dans la monographie de la ritaline, il est bien spécifié que le médicament n’est utilisé que dans le cadre d’une prise en charge globale comprenant des mesures psychologiques, éducatives et sociales (il devrait être fait mention de l’équilibre alimentaire en plus).
Ainsi, en dehors des pathologies organiques lésionnelles, un grand nombre de désordres psychiques acquis sont à relier à l’inadéquation entre notre environnement et nos besoins fondamentaux (pas nos désirs mais nos vrais besoins vitaux).
Il en va de même chez les animaux chez lesquels on observe pléthore de troubles « dits » comportementaux alors que leur milieu est complètement inadapté.
La chimie n’est qu’une aide temporaire et ne traite pas le problème de fond.
Ainsi, on ne traite pas un animal, en l’exemple ici d’un chien, souffrant d’un syndrome HSHA (=hypersensibilité/hyperactivité) uniquement avec des médicaments, car ceci est voué à l’échec.
Une réadaptation de son environnement à ses besoins et son tempérament ainsi qu’une thérapie comportementale et cognitive et des mesures éducatives seront les mesures fondamentales. Ce sont d’ailleurs les premières à mettre en place. Un travail collaboratif entre le vétérinaire comportementaliste et l’éducateur canin se révèle souvent précieux.
Ainsi, gérer le TDAH chez l’humain doit passer par une approche pluridisciplinaire (avec une vision holistique de l’individu) en réadaptant l’environnement de l’individu. Ceci passe par l’action conjointe sur l’équilibre alimentaire (nature, fréquence, qualité des apports), l’équilibre procuré par l’activité physique et le développement des capacités cognitives, adaptée aux besoins de chaque organisme.
Et vous, que vous inspire le TDAH ? Est-ce un trouble (auparavant très rare et) apparu suite à de nouvelles conditions environnementales, ou bien pensez-vous qu’il existe depuis toujours et qu’il est juste mieux connu ? En d’autres termes, est- ce le taux de diagnostic du TDAH qui a augmenté (mention de l’auteur de l’article original), ou tout simplement l’incidence du TDAH lui même (ou les deux) ? Dites le moi dans les commentaires.
Source : traduit d’un article du blog : Waldeneatingdisorder
Si vous êtes un proche aidant ou un membre de la famille d’une personne souffrant de trouble du comportement alimentaire, ou bien que vous souffrez vous même de TCA, je peux aussi vous conseiller de façon personnalisée.🍀
Outre le lien entre alimentation et TDAH, tu me fais découvrir de façon plus approfondie ce trouble. Et tant mieux, car on entend de plus en plus souvent parler, mais sans réellement le connaître. Merci pour cet article.
Bonjour
Un long commentaire, sera-t-il lu ? Tant pis je laisse quand même.
Votre questionnement, autour de : TDAH / trouble de la façon de s’alimenter / évolution de la société/ sédentarisation et immobilisme accentué du comportement quotidien, me semble très intéressant. Cependant même si nous sommes devenus statiques dans nos journées, le TDAH, que je vis au quotidien, certes plus handicapant avec moins d’activités physiques, reste une conformation chimique et structurelle de mon cerveau me faisant ressentir en permanence mon inadaptation.
Changer l’environnement semble une piste d’amélioration juste et pertinente mais pas souvent accessible. Je suis d’accord que la société industrielle/occidentale d’aujourd’hui oblige à un type de comportement qui entrave la créativité et le mouvement, alors que notre corps n’est que mouvement (respiration, circulation des fluides, etc.). Quelles sont les études sur le TDAH et/ou les TCA pour des personnes vivant dans d’autres sociétés que celles occidentales ?
Je souffre d’hyperphagie que le traitement pour le TDAH a permis de calmer mais dès que la médication s’estompe je rechute dans mon TCA… je lis bien l’intérêt de s’activer, de prendre conscience de s’alimenter, d’avoir une approche en pleine conscience pour amenuiser et mettre à distance les émotions négatives, etc. Tous ces conseils, méthodes TTC et autres sont quasiment intenables pour le TDAH… alors ? Qui a des pistes ? Une expérience à partager ? Pour les personnes « neurotypiques » (en distinction des personnes à « pb neurodéveloppementaux ») lesquelles souvent écrivent ou offrent leur avis et analyses ça semble facile de dire il faut faire ça ou ceci… mais pour moi, je ne vois et ne vis que contrôle, contrainte, surveillance de soi encore et encore… alors peut-être est-ce notre société qui n’est plus adaptée et qui nous modifie. Mais comment faire ? Vivre en marginal ? Merci si vous avez lu.
Bonjour Flo, Merci beaucoup pour votre commentaire qui soulève une foule de questions intéressantes. Au contraire, un long commentaire comme le votre mérite d’être lu et creusé surtout.
A la remarque dans laquelle vous indiquez ressentir en permanence votre inadaptation, l’orientation professionnelle choisie peut elle supporter des adaptations de façon à mieux répondre à vos besoins et vos ressentis ? Comme vous l’indiquez bien, il n’y a néanmoins jamais de conditions idéales ; mais probablement améliorables.
Votre question sur les études TCA/TDAH en dehors du monde occidental est très intéressante. Je vais voir si je trouve des éléments à ce sujet.
Sinon concernant le TDHA, l’approche nutritionnelle est vraiment très pertinente, en complément (parfois même en remplacement chez les personnes réceptives) de toute médication : à ce sujet, je vous conseille le livre très intéressant : « enfants TDA/TDAH Approche nutritionnelle » de Julie Jortay ; même à l’âge adulte, les principes du livre s’appliquent.
Enfin, je comprends la perception de contrôle permanent que vous signalez en fin de commentaire. La perception de ces contrôles, contraintes ressentis comme tels est elle modulable ? à la place de « contrôle », peut on envisager les mots « amélioration, adaptation? »; vous proposez ainsi une pirouette à votre cerveau, un changement de point de vue : ceci n’est pas négligeable lors de TCA où la sensation d’hypercontrôle a tendance à desservir la personne. C’est moi qui vous remercie chaleureusement pour votre commentaire. 🙂