La psychoéducation est une méthode thérapeutique qui a démontré son efficacité de manière scientifique, associée à d’autres méthodes de traitement, notamment médicamenteux ou de réhabilitation psychosociale. Elle croise les disciplines de psychologie et de sciences sociales.
Elle est originaire du Québec. Initialement proposée aux patients souffrant de schizophrénie, ou de bipolarité, elle est depuis la fin des années 1990 utilisée dans les troubles du comportement alimentaire.
Elle vise une ré-appropriation du pouvoir par la personne atteinte, ainsi que de son entourage. En somme, les patients et les proches se sont appropriés la psychoéducation comme une source de pouvoir, de savoir et de connexions sociales.
Voyons ensemble en détails ce qu’est la psychoéducation, comment elle fonctionne et un bel exemple de création d’application numérique de cette méthode.
Qu’est ce que la psychoéducation ?
La psychoéducation se définit comme une intervention didactique et psychothérapeutique systématique qui vise à informer les patients et leurs proches sur le trouble psychiatrique et à promouvoir les capacités pour y faire face.
C’est une méthode de transmission d’informations, mais aussi une méthode pédagogique adaptée aux troubles ayant pour but une clarification de l’identité, une appropriation du pouvoir et une modification des attitudes et des comportements.
Tout comme les personnes souffrant d’une atteinte corporelle bénéficient d’une éducation thérapeutique, les personnes atteintes de maladies psycho-somatiques bénéficient d’une psychoéducation.
Dans la littérature scientifique, le terme de psychoéducation naît initialement de la préoccupation de surmonter les difficultés d’apprentissage des enfants souffrant de problèmes de santé mentale.
La psychoéducation peut se faire au niveau individuel mais aussi familial.
L’efficacité thérapeutique de la psychoéducation familiale (pour réduire le risque de rechute et de réadmission lors de troubles du comportement alimentaire) constitue une révolution des thérapies familiales.
Vous trouverez ici une excellente vidéo au sujet des principes de la psychoéducation (en général, pas spécifique aux TCA)
Comment fonctionne la psychoéducation ?
Le principe et les objectifs
La psychoéducation est un travail neuro-cognitif et sensoriel assimilable aux techniques de thérapie comportementales et cognitives- dites TCC.
Les objectifs sont les suivants :
-acquérir des connaissances sur la maladie, les traitements, les co-morbidités (autres maladies associées) et l’organisation des soins
-acquérir des techniques pour gérer les répercussions et enjeux psychologiques qui y sont liés
-développer des stratégies adaptatives et des outils de restructuration cognitive
-favoriser l’alliance thérapeutique avec tous les acteurs en créant un climat de collaboration
-favoriser l’acceptation des troubles et prévenir les rechutes
-maintenir ou améliorer la qualité de vie
–favoriser le rétablissement
La méthode
Le concept initial
Dans un premier temps, des éléments psycho éducatifs sont expliqués au patient.
Il existe un modèle général que l’on présente au patient. Ce schéma représente la conceptualisation cognitive et comportementale des troubles du comportement alimentaire.
Dans le haut du tableau, la première case, peut être remplacée au cas par cas (le TCA peut être initié par un stress post traumatique).
La personnalisation du schéma
Ensuite, on personnalise le modèle avec le patient (voir note ci dessus).
En cours d’évaluation, on bâtit une conceptualisation cognitivo-comportementale longitudinale et transversale personnalisée. On explique dans quelle mesure le modèle général s’applique à son cas particulier. Il est nécessaire de donner ces informations également à la famille et aux proches.
Les journaux ou grilles à compléter
Le journal d’auto observation
Ensuite, on invite le patient à tenir un journal d’auto-observation et comment compléter ce journal, en tout début de prise en charge alors qu’il n’a pas encore modifié ses habitudes.
précision : dans le tableau ci dessus figurent les lettres V/L/D : il s’agit de compléter si la personne a eu des comportements compensatoires . V pour vomissements, L pour laxatifs et D pour diurétique. Il convient de rajouter EP pour exercice physique.
ATTENTION, le journal d’auto-observation n’est pas une façon de contrôler
ce que la personne mange ni de compter les calories ou peser les aliments. Il vous permet d’observer les facteurs qui influencent votre alimentation et d’identifier les relations entre les comportements alimentaires, les événements, les pensées et les émotions.
Puis, afin de compléter ce journal au fur et à mesure des semaines, les préconisations de base sont les suivantes :
On les nomme aussi instructions pour l’horaire alimentaire planifié .
On veut ici diminuer les périodes de jeûne et mettre en place un horaire alimentaire plus régulier.
Planifiez la veille ou le matin au lever, dans le haut de votre journal alimentaire, un horaire alimentaire comprenant trois repas et deux à trois collations.
- Exemple :
- 7h déjeuner
- 10h30 collation AM à la pause (apporter un fruit)
- 12h15 dîner (Ne pas oublier mon repas)
- 15h collation PM (après la réunion, je prendrai …)
- 18h30 souper
- 21h collation de soirée
- Instructions :
- Prenez chaque repas et chaque collation tels que planifiés
- Ne pas en sauter
- Ne pas rester plus de 4 heures sans manger (sauf la nuit)
- Ne pas manger entre les moments planifiés
- Évitez les comportements compensatoires après les repas et collations (vomissements, laxatifs, diurétiques, exercices excessifs)
- À ce stade, vous choisissez les aliments et la quantité que vous voulez (au début, il est souvent préférable de ne pas garder d’aliments dits « dangereux » facilement disponibles).
- Sachez toujours à quel moment aura lieu votre prochaine prise d’aliments.
Le journal de suivi de thérapie
Le patient est aussi invité à compléter un journal de suivi de thérapie chaque semaine (avec notamment des critères objectifs comme le poids mais pas plus d’une pesée par semaine, mais aussi les émotions, et les évènements vécus)
Les autres grilles utilisées en psychoéducation lors de TCA
Un grand nombre de grilles complémentaires sont utilisées par les thérapeutes avec notamment :
*la grille d’évaluation de l’anxiété (grille de Beck)
*la grille d’enregistrement des pensées dysfonctionnelles de Beck
*la grille d’auto-observation des exercices d’exposition
*une fiche de prévention des rechutes
Un bel exemple de d’outil de psychoéducation facilement accessible
La pétillante Morgane Soulier a créé pour les personnes souffrant de TCA (et leurs proches) une application nommée Feeleat qui permet la psychoéducation au quotidien, accessible facilement depuis un smartphone.
Qui est Morgane ?
Après 10 ans de lutte contre les troubles alimentaires, Morgane a allié son expérience de patiente et ses compétences professionnelles de Chef de projet dans les Nouvelles Technologies pour développer un outil numérique performant qui bénéficie aujourd’hui de l’adhésion de la communauté médicale. Elle cite :
Le projet Feeleat s’inscrit dans la volonté de moderniser les parcours de soin. Grâce à l’aide précieuse des professionnels de santé et de la communauté de patients qui m’accompagnent, j’ai pour ambition d’apporter, à travers le monde, des aides nouvelles à tous ceux pour qui s’alimenter peut être une épreuve au quotidien.
Morgane Soulier, fondatrice de Feeleat
La psychoéducation en une application numérique : Feeleat
L’application a pour but de se reconcilier avec son alimentation en se reconnectant à ses sensations et à ses émotions. Les fonctionnalités de l’applications sont :
*le carnet alimentaire et le journal de bord contextualisés. Il s’agit de noter les repas, contextes, sensations corporelles, pour une prise de conscience de ce qui favorise le bien être)
*le journal d’émotions, une sorte de tableau d’humeurs
*la liste d’objectifs (à long et à court terme, permettant de visualiser les progrès)
*le filtre d’activité visant à identifier facilement les contextes et les aliments qui sont sources de difficultés ou qui favorisent le bien être
*les conseils et exercices afin d’aider les personnes à atteindre leurs objectifs
*le partage d’activités que le patient souhaite partager en temps réel avec proches et/ou équipe thérapeutique
De surcroit Morgane propose des tutoriels pour utiliser au mieux l’application. C’est par ici.
Feeleat est un magnifique exemple de résilience dans lequel Morgane a su allier son expérience de patient expert et ses compétences professionnelles dans une véritable mission de vie !!
En conclusion, la psychoéducation doit être proposée à toute personne souffrant de troubles du comportement alimentaire, à leur famille et leurs proches. Elle peut débuter à l’hôpital pour les patients les plus instables, puis ensuite être utilisée dans le suivi thérapeutique avec l’équipe soignante. L’ère numérique actuelle et la digitalisation facilitent l’accès à ce type d’outil, notamment avec l’application Feeleat. Elle permet de redonner l’autonomie aux patients, de redonner le pouvoir sur leur vie, de les rendre aptes à prendre soin d’eux afin de guérir de leur TCA et de prévenir les rechutes.
Merci pour cet article, très clair ! Je ne connaissais par Morgane Soulier ; un beau témoignage 🙂
Intéressant… Je vais aller voir cette application… Merci