On ne le répètera jamais assez : les Troubles du comportement alimentaire nécessitent une prise en charge pluri-disciplinaire. En ce sens, les thérapies corporelles, ou approches corporelles permettent d’aider les patients à reconstruire une image réaliste et positive de leur corps : en soignant le corps, on soigne donc aussi l’esprit dans ces maladies dites psychosomatiques. Les thérapies corporelles entrent alors en synergie avec les autres modalités de soin. Ainsi l’ostéopathie appartient à la catégorie des thérapies corporelles. Pour étayer mon propos, vous retrouverez dans cet article pas moins de 3 liens vidéos, 6 liens vers des articles et 2 liens en format audio. C’est parti !
Préambule : L’image du corps chez les patients atteints de TCA
Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de préciser l’image du corps chez les personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire. Par exemple, chez les patients atteints d’anorexie mentale, existe une dissonance entre la réalité anatomique et l’image du corps. Ces patients éprouvent un désordre de l’image corporelle, de la perception de leur corps, de la cognition de leur corps ainsi que d’un sentiment d’inefficacité pour soi même.
On parle aussi de dysmorphophobie : de façon large, elle se définit chez la personne qui en souffre, par une obsession et des pensées excessives sur un défaut imaginaire. Elle induit un stress accompagné souvent d’un retrait social, de TCA, de TOC ou de troubles de l’hygiène. Vous trouverez des informations très exhaustives concernant les troubles de l’image du corps dans l’anorexie mentale dans cet article.
Chez les patients atteints de boulimie, notamment de boulimie vomitive, les personnes atteintes souhaitent garder le contrôle par des conduites éliminatrices, dont les vomissements. Les personnes mentionnent souvent les mots de « remplissage » (après les crises), « vacuité », « vide« (après induction des vomissements), associés à des affects négatifs : dégout, honte, haine de soi.
Il est important de noter que ce trouble de l’image du corps peut être, du moins en partie, provoqué par des abus sexuels qu’ont subit ces personnes : effet, on rapporte 30 % (voire 50 % selon les sources) des personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire auraient été victimes de violences sexuelles.
La variété des approches corporelles dans la gestion des TCA
Les approches corporelles, en expansion ces dernières années, permettent le travail du corps et par le corps. La liste n’est pas exhaustive mais on y retrouve :
Danse
Yoga
massages
relaxation
psychomotricité
Séance de confrontation par vidéo et miroir
la fasciathérapie
…
et l’ostéopathie.
Ces différentes approches invitent le patient à se reconnecter à des expériences corporelles agréables et à les associer à des représentations positives. Elles les aident parfois aussi à objectiver que la cette distorsion n’est pas réelle. On retrouve cette notion dans le reportage « chère anorexie » chroniqué dans cet article : dans la deuxième partie du reportage, à la 4ème minute, on observe un atelier où les patientes mesurent leur tour de taille les invitant à réaliser objectivement la valeur obtenue (par comparaison avec quelqu’un qui aurait un IMC normal pour la même taille par exemple) et à mentionner leurs affects associés. Je vous renvoie à cette partie du reportage dans la petite vidéo de ce passage, ci dessous.
Dans un autre atelier, les jeunes femmes peuvent dessiner leur silhouette au sol sur une grande feuille de papier, ce qui les aide parfois à mieux réaliser leur état de maigreur.
Revenons en au coeur du sujet qui nous intéresse aujourd’hui : l’ostéopathie qui s’inscrit donc dans les thérapies corporelles.
Qu’est ce que l’ostéopathie?
Définie succinctement, l’ostéopathie est une médecine, classée dans les médecines non conventionnelles, qui repose sur le fait que les manipulations manuelles du système musculo-squelettique et des techniques de relâchement myo-fascial permettent d’apporter un soulagement dans le domaine du trouble fonctionnel.
Champs d’application de l’ostéopathie, exemple et mécanismes dans le cas des TCA
En fait l’ostéopathie peut traiter bien plus que les douleurs musculo-squelettiques : elle est efficace dans certains troubles digestifs, génito-urinaires, cardio-vasculaires, ORL, pulmonaires mais aussi neurologiques et émotionnels et neuro végétatifs (notamment et plus particulièrement via le nerf vague). L’ostéopathie somato-émotionnelle notamment est utilisée lors de de chocs émotionnels et peut libérer les émotions enkystées en nous. Vous trouverez des explications détaillées par des ostéopathes dans cet article ici, celui-là ou encore ce dernier.
L’ostéopathie travaille sur les blocages émotionnels
Tout le monde connaît l’expression « je n’arrive pas le digérer ». Elle reflète finalement le fait que les émotions s’enkystent en nous et créent des blocages émotionnels. Les restrictions ou blocages s’incarnent dans les fascias, les organes (dos, gorge, intestins…), le sternum (notion de bouclier émotionnel).
Si vous voulez comprendre vraiment l’importance fondamentale de la notion de fascia, cliquez ici.
Retrouvez aussi ici l’émission d’Arte intitulée « les mains à l’écoute du corps ».
Les applications de l’ostéopathie dans le domaine viscéral et émotionnel sont évidentes. Il suffit d’écouter un des grands pontes de l’ostéopathie viscérale en médecine humaine, j’ai nommé Jean Pierre Barral.
Il évoque notamment dans ce podcast à la 43ème minute, (=> 45ème minute) la puissance des émotions et leurs effets délétères sur le corps. Il évoque 3 cas de diabète induits suite à un grand stress. Ceci s’explique par le vaso-spasme au niveau de la vascularisation splénique (dont une partie irrigue le pancréas). Ce phénomène peut se produire lors d’un stress très aigu, et provoquer une souffrance pancréatique (un infarctus) par diminution brutale de la vascularisation.
J’ai moi même dans mon entourage connu une personne dont le fils est devenu subitement diabétique, très jeune, après une violente émotion. Dans le podcast, l’ulcère gastrique d’un patient est bien expliqué par l’ostéopathe qui mentionne l’effet du stress (minutes 46 et 47).
Ainsi, dans les troubles du comportement alimentaire, on retrouve 30 % de personnes ou plus ayant subi des violences sexuelles, ce qui représente un stress émotionnel et corporel. L’anorexie est un moyen détourné qu’a trouvé le corps pour effacer la féminité et ne pas revivre de tels traumatismes. L’individu n’est qu’un et indivis : on comprend la portée de la somatisation de certains traumatismes.
Exemple avec un témoignage relatant l’efficacité de l’ostéopathie dans la gestion de TCA
Barbara Leblanc (dans son livre Anorexie : 10 ans de chaos que je vais chroniquer prochainement) ayant souffert d’anorexie mentale restrictive témoigne : la personne qui l’a le plus aidée est son ostéopathe. J’en parle dans cet extrait audio ci dessous :
Je retiens les qualités fondamentales dont a su faire preuve ce thérapeute : écoute, empathie et bienveillance, disponibilité. Elles ont permis l’établissement d’un lien de confiance, nécessaire voir indispensable entre le patient et son soignant.
Comme évoqué précédemment, Barbara a été victime de viol avant que son TCA ne s’exprime. Ce souvenir enfoui est remonté à la surface après une séance d’ostéopathie.
Une citation résume bien ceci :
Tout ce qui ne s’exprime pas s’imprime. Il faut comprendre que ce qui n’est pas conscientisé, éprouvé, extériorisé, restera engrammé dans notre corps et pourra ressortir sous la forme de douleur, de symptômes, de mal-être.
Retrouvez ici un chouette témoignage de Claire, qui explique que l’ostéopathie l’aidée :
Par quels mécanismes agit l’ostéopathie sur les TCA?
La thérapie manuelle avec un travail sur le système nerveux autonome est intéressante dans la gestion de l’anxiété, qui est souvent associée aux TCA. En effet, la stimulation du nerf vague, le plus long nerf de l’organisme, permet d’atténuer les effets liés au stress, et augmente aussi l’activité anti inflammatoire. Dans certains troubles émotionnels, comme la dépression ou l’anxiété, on observe un effondrement de l’activité vagale.
La libération des diverses tensions du corps permet aussi de libérer les émotions, ce qui peut être associé à un travail verbal en même temps.
L’ostéopathe peut travailler sur la respiration et ce fameux « bouclier sternal » qui est le reflet d’une détresse psychologique et d’un individu fermé, sur la défensive.
Enfin, l’ostéopathie permet la restauration de l’image du corps : le bien être ressenti en fin de séance contribue à la réparation de ces corps malmenés par les TCA.
En conclusion, à travers cet article, j’avais à coeur de vous montrer la puissance thérapeutique de cet outil qu’est l’ostéopathie.
En effet, moi même en tant que docteur vétérinaire, je me suis formée à l’ostéopathie vétérinaire pendant deux ans (après 15 ans de pratique dite conventionnelle), car j’étais confrontée aux limites de la médecine conventionnelle dans bien des cas. Dès lors, j’avais besoin de compléter ma formation et d’apprendre une médecine plus holistique, plus globale. Je n’ai vraiment pas été déçue car l’ostéopathie, bien utilisée et dans les bonnes indications, m’a énormément apporté.
Toutefois, il est utile de rappeler l’ostéopathie n’est pas non plus la solution à tous les maux (il est trivial que je ne vais pas proposer une séance d’ostéopathie à un chien en occlusion intestinale suite à l’ingestion d’un gros caillou). L’ostéopathie est tout sauf de l’obscurantisme. Les médecines conventionnelles et complémentaires doivent faire alliance dans l’intérêt premier du malade lorsque les indications sont bien posées.
L’écueil que l’on rencontre est la méconnaissance ou même la non-reconnaissance de cette discipline d’une partie des intervenants en médecine conventionnelle, lesquels n’orienteront pas le patient vers des soins pluri-disciplinaires. On peut alors estimer qu’il y a une perte de chance pour le malade. En effet, une partie des patients consulte parfois un ostéopathe (ou d’autres thérapeutes de médecines complémentaires) assez tardivement, n’ayant pas trouvé de solutions en médecine conventionnelle. Et, le mot de la fin pour aider les maux de la faim : l’ostéopathie n’est pleinement efficace que si le patient adhère à ce type de soins.
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Si vous êtes ostéopathe, je serai ravie de recueillir votre témoignage de votre expérience dans la prise en charge d’une personne souffrant de TCA. Vous pouvez me joindre en utilisant le formulaire de contact.
J’adore le métier d’ostéopathe. Quel beau savoir. Mais je ne savais pas qu’ils pouvaient intervenir sur la personne anorexique. Le savent-ils toujours eux-mêmes? De plus, ça n’est sans doute pas toujours facile d’expliquer à la personne TCA de se laisser aller à leurs bons soins… Un prochain article là-dessus?
merci Isabelle pour ce commentaire. Je pense qu’une partie des ostéopathes n’est peut être pas sensible à l’ostéopathie émotionnelle ; c’est une question d’individu, de personnalité à mon sens. Certains vont exceller dans les domaines plus mécaniques, quand d’autres seront super compétents dans les affections psycho-somatiques. Chaque praticien a son ou ses domaines de prédilection au sein de sa profession.