Les troubles du comportement alimentaire, anorexie mentale, boulimie vomitive et hyperphagie, s’accompagnent souvent d’une grande anxiété sur le plan psychique. Au niveau corporel, des signes très variés peuvent se manifester et dépendent du trouble alimentaire de la personne. Il peut s’agir de douleurs, contractures et raideurs, perte de densité osseuse…
La pratique du yoga, utilisée comme un outil thérapeutique et plus précisément comme thérapie psychocorporelle, peut soulager l’angoisse et divers maux corporels.
Dans cet article, nous allons voir ce qu’est la pratique du yoga, puis quelques témoignages. Enfin nous examinerons les mécanismes par lesquels cette discipline est bénéfique pour les personnes souffrant de TCA.
La pratique du Yoga
Le yoga, une pratique à action physique, émotionnelle, psychologique et spirituelle
Le Yoga est la pratique d’un ensemble de postures et d ‘exercices de respiration qui vise à apporter un bien être physique et mental.
Cet ancien art de vivre tel qu’il est expliqué dans les textes (Yoga sutra de Patanjali écrit il y a 200 ans) se révèle comme un chemin initiatique qui transcende la discipline physique.
Il agit donc sur l’être humain dans toutes ses dimensions : physique, émotionnelle, psychologique et spirituelle.
Ainsi enseigner le yoga comprend une pratique à la fois physique (postures, respiration), mentale (méditation), et théorique (étude de la philosophie).
Selon ma professeur de Yoga :
Le yoga permet de prendre conscience que notre potentiel physique et mental est bien plus grand que ce que l’on imagine, et qu’il ne tient qu’à nous de l’explorer. Les seules limites que l’on connaît sont celles que l’on nous a imposées, ou que l’on s’est imposées à soi-même.
Anissa Bichet
Cela implique un travail sur soi permanent et parfois difficile. Cette prise de recul nous permet de ne pas nous identifier à nos émotions, donc de ne pas les subir. A partir de là, on est maître de soi, centré sur soi et en soi. Le Yoga permet d’être en phase avec soi-même et avec le monde qui nous entoure.
Ainsi la pratique du Yoga peut apporter une belle source d’équilibre.
Les différents types de yoga
Le Hatha yoga dit yoga postural : cette pratique est dite classique et s’apparente à de la gym douce en occident. Pratique idéale pour commencer car il s’agit d’un yoga lent et doux. On pratique les postures (asanas) les unes après les autres sans forcément chercher à les enchainer. On y associe des exercices de respiration appelés Pranayama. Dans cette pratique de Hatha yoga, on distingue le Hatha lui même et aussi le Sivananda.
Le sivananda combine les exercices de Hatha mais aussi du Karma yoga, c’est à dire le yoga des actions désintéressées. C’est une approche holistique et complète de l’individu. Dans le sivananda, on insiste sur la pensée positive, la méditation, la respiration, la relaxation et l’alimentation. L’ aspect spirituel y très présent.
Une des branches de cette pratique est le Yoga Nidra. Ce dernier consiste à plonger dans une relaxation profonde tout en restant conscient.
Le yoga Ashtanga : c’est une pratique très physique, un yoga dynamique, intense et rigoureux. Les postures s’enchainent sur le rythme de la respiration assez rapidement. Il s’agit toujours des mêmes postures, qui ne varient jamais. La rapidité de la pratique amène de la difficulté et demande de la force.
Le yoga Vinyasa : C’est le plus populaire. Il dérive de l’Ashtanga. Vinyasa vient du sanscrit. Il s’agit de synchroniser la respiration au mouvement. Les postures s’enchainent de façon dynamique mais l’enchainement est libre et les postures sont différentes à chaque cours. Cela permet de choisir un thème plus spécifique (par exemple les torsions). La pratique peut se faire en musique car cela met en jeu des principes de chorégraphie. Le vinyasa s’est décliné dans de multiples variantes ces dernières années (pranaflow : yoga dansé qui utilise les énergies et les éléments, vinyassa flow, slowflow, le poweryoga proche du fitness).
L‘Iyengar : c’est un yoga plutôt statique dans lequel les postures sont tenues longtemps. On utilise beaucoup de matériel car on travaille beaucoup sur l’alignement du corps, très axé sur des principes thérapeutiques. Il n’y a pas d’enchainement dynamique. On va s’ancrer en profondeur dans une posture que l’on prend le temps de réaliser.
Le yoga restauratif (de Judith Henson Lasater) : ce yoga vise à relâcher l’ensemble du corps grâce à des cousins, à des couvertures…
Le kundalini yoga : cette pratique associe yoga et trantisme. Il y a beaucoup de pranayama et de cria (postures corporelles différentes des asanas) dans cette pratique. L’idée est de réveiller la kundalini, énergie vitale de la base de la colonne vertébrale pour atteindre l’illumination.
Le yin yoga : il s’agit d’un mélange de yoga doux et de tantrisme dans lequel il y a plus de postures statiques. Chaque pause est tenue environ 5 minutes. Cela permet de travailler la souplesse et le relâchement de l’esprit en profondeur.
En résumé, Il y a tellement de façons différentes de pratiquer le yoga et chacun doit trouver celui qui lui correspond le mieux.
Les témoignages : comment le yoga les a aidé dans la gestion de leur trouble alimentaire
Le témoignage de Delphine
Dans son témoignage (vidéo youtube malheureusement supprimée), Delphine mentionne que le yoga a été une voie de sortie de ces troubles alimentaires (anorexie et boulimie). Elle appuie sur le fait qu’il ne s’agit pas d’un phénomène de mode mais une pratique a laquelle est attachée une philosophie. La philosophie du yoga vise à libérer la souffrance des être humains.
Delphine a identifié 3 mécanismes de la pratique du yoga l’ayant aidée à sortir de son trouble alimentaire :
–canalisation de son hyperactivité et de son addiction au sport et possibilité de varier l’intensité grâce aux différents types de yoga
–apaisement et le fait de renouer avec le corps. L’essence du yoga est d’ unifier l’humain en le mettant en relation avec son intérieur profond.
-le Yoga un mode de vie et une philosophie de vie : le yoga lui a permis de changer l’interprétation de sa vie. Cela permet aussi de réaliser la loi du karma. En effet, d’après cette loi, rien n’arrive par hasard : une souffrance très aigue peut permettre aussi de remonter, de rebondir dans sa vie. C’est à chacun, chacune de faire ce choix.
L’histoire d’Hélène
Hélène a souffert d’anorexie mentale, qui l’a longtemps isolée. Le sentiment d’hypercontrôle l’a envahie. Elle mentionne que c’est la maladie du mensonge. Elle a souffert de dysmorphophobie presque 10 ans. Les paroles dures de son frère l’ont aussi aidée à sortir du déni. Le yoga lui a permis de se reconnecter avec son corps, ses muscles… Les sensations d’étirements, le travail de respiration et de méditation l’ont aidée.
Voyons à présent les mécanismes, les bienfaits du yoga et notamment dans les TCA utilisée comme thérapie psychocorporelle.
Les mécanismes et bienfaits du yoga : vers une pratique intégrative
Dans la prise en charge des troubles alimentaires, le Yoga va ainsi s’inscrire dans une thérapie psycho-corporelle. Le yoga veut dire union : entre le souffle et le mouvement pour être en harmonie avec soi même dans toutes les dimensions de l’individu. On peut le voir comme un sport, une thérapie, et une philosophie. De façon simpliste, si on est mieux dans son corps, on va être mieux dans sa tête et c’est un cercle vertueux.
Les bienfaits du yoga sur la santé en général
Le yoga influe le corps, le cerveau et les gènes, ce qui a été prouvé scientifiquement. Il améliore la fonction cognitive, et la mémoire. L’enchaînement des postures réduit le stress, l’anxiété, la dépression en agissant par les neurotransmetteurs dont le GABA. Il peut aider des personnes en état de stress post traumatique. Bénéfique sur les maux de dos, il aide aussi à normaliser l’indice de masse corporelle (qu’il soit supérieur ou inférieur aux valeurs usuelles). Il contribue à la régulation de la pression artérielle, régule le cholestérol, améliore la sexualité. Les yogis qui pratiquent depuis longtemps ont une meilleure longévité, une influence positive sur leurs gènes, des défenses immunitaires plus performantes.
Ainsi, de façon générale mais aussi dans la communauté médicale, le yoga est bien reconnu comme méthode de santé naturelle, et intégrative, permettant de considérer l’individu dans toutes ses dimensions.
Retrouver aussi tous les bienfaits du yoga comme pratique holistique dans l’émission RTL de Flavie Flament, c’est ici et la deuxième partie là. Un témoin mentionne :
« En restant dans son corps, on peut arrêter sa tête. C’est la magie du yoga qu’on a découvert ce soir là ».
Jeff (ayant souffert de problème de surpoids)
L’intérêt des pratiques psychocorporelles (pas seulement le yoga) est expliqué dans le livre : La gymnastique émotionnelle, vers un nouvel équilibre corps esprit de Rosalie Evelyn
Les bienfaits du yoga chez les personnes atteintes de troubles alimentaires
Le yoga vise à réunifier le corps et l’esprit, il aide à lâcher peu à peu le mental, notamment les pratiques douces et non tournées vers la performance.
Ainsi, Le Yin yoga, le yoga nidra, le yoga restauratif, le kundalini yoga, le yoga sivananda sont plus adaptés chez les personnes souffrant d’anorexie restrictive ou d’anorexie boulimie. Les personnes en surpoids, ou souffrant d’anorexie boulimie avec IMC normal peuvent commencer de même. Puis elles pourront se tourner progressivement vers des pratiques plus dynamiques comme l’ashtanga ou le vinyasa. Elles doivent garder l’idée de plaisir dans leur pratique et non de performance et rester bienveillantes avec elles mêmes.
Ces pratiques respectueuses, douces, permettent de restaurer l’image du corps, de respecter le corps, de libérer le mental. Le travail respiratoire fondamental en yoga est très bénéfique sur les signes d’anxiété (comme peut l’être la pratique de la méditation seule, également outil thérapeutique des TCA).
Sur le plan de la médecine ayurvédique , c’est à dire de la médecine traditionnelle indienne, le yoga permet d’harmoniser les énergies et de les faire circuler entre les chakras (centres de lumière et d’énergie selon l’hindouisme).
Le yoga fait aussi très souvent référence à des principes de médecine chinoise, autre médecine intégrative et holistique existant depuis des millénaires.
La yoga-thérapie dans la prise en charge de la douleur au sens large
Voici une vidéo extrêmement intéressante sur la yoga-thérapie dans la prise en charge de la douleur. La Dr Jocelyne Borel-Kuhner, spécialisée en yogathérapie lors de prise en charge hospitalière, ne consulte d’ailleurs que des patients à pathologies complexes. La douleur a une dimension globale, elle inclut la souffrance (qui intègre les dimensions émotionnelles, sociales et cognitives). Lorsque l’on diminue le stress, on agit sur le frein endocrinien (voir à la 10ème minute). Cette présentation très complète explique bien les mécanismes émotionnels et cognitifs mis en jeu lors de la douleur. Le yoga agit notamment sur la sécrétion des substances algogènes, sur le système nerveux para sympathique et sympathique, sur la sécrétion de dopamine et des opoïdes endogènes. La yoga thérapie utilise la proprioception et la respiration qui sont fondamentales dans la prise en charge des pathologies chroniques. Le yoga module aussi la plasticité des fascias.
Je parle de l’importance des fascias dans mes articles sur la fasciathérapie et l’ostéopathie.
Pour trouver un yogathérapeuthe certifié, consulter l’annuaire ici
La yogathérapie et la gestion des émotions
Retrouver enfin le dernier témoignage d’un médecin yoga-thérapeute, sachant que la gestion des émotions est cruciale dans la prise en charge des troubles alimentaires.
En conclusion, le yoga, discipline millénaire, s’est transmise à travers les âges et reste une discipline très pratiquée dans le monde entier. Ses bienfaits sont si nombreux, que cette pratique s’est naturellement imposée, sous le terme de yoga-thérapie, plus récemment dans certains hôpitaux qui optent pour une prise en charge holistique et intégrative de l’individu. Les émotions ne sont pas que dans la tête, elles s’incarnent dans le corps. L’objectif de la thérapie par le yoga est de transformer un être qui souffre (et le trouble alimentaire n’est qu’un messager pour dire que l’individu souffre) en un être apaisé.
J’espère que cet article aidera des personnes atteintes de TCA à être acteurs de leurs soins et que certain(e)s trouveront à travers la yoga-thérapie un outil intéressant pour sortir de leur trouble alimentaire. Merci de partager cet article aux personnes atteintes de troubles du comportement alimentaires, leurs proches, et leurs thérapeutes.
Image par LillyCantabile de Pixabay
Image de l’en-tête article par Free-photos de Pixabay
J’ai peu d’expérience dans la pratique du yoga. J’ai pratiqué du yoga pour me détendre et à travers la lecture de l’article, je remarque qu’il y a plusieurs formes de le pratiquer et que cela apporte une aide pour les personnes qui souffrent du troubles alimentaires. Une lecture très enrichissante. 🙂
Super article qui montre bien toute la richesse du yoga : en termes de styles (du plus doux au plus dynamique) mais aussi d’approches (corporelle, spirituelle)… Je ne peux que valider l’importance du yoga pour se réconcilier avec son corps et guérir des troubles du comportement alimentaire, en tant que prof de yoga et ancienne victime de TCA !
Merci Emma, pour cet article très complet sur la yogathérapie. Je suis kiné et ostéopathe. Je suis bien convaincue par ce lien corps esprit. En effet, j’ai déjà l’habitude de travailler le corps pour soulager l’esprit de part ma profession et depuis quelques années, j’y ajoute des outils du yoga que je ne m’autorisais pas à proposer en soins: les pranayamas, la relaxation…un jour je parlerai chakras et émotions…c’est certain!
Merci beaucoup Muriel pour ton témoignage en tant que kiné et ostéo sur l’apport du yoga dans ton quotidien ; je suis sure que tu constates sur tes patient(e)s les bénéfices des outils de yoga en cours de soins. J’ai d’ailleurs pu voir une de tes vidéos instagram dans laquelle tu donnes un cours de « yoga-kiné » collectif ! c’est vraiment chouette, et encadré par des professionnels de santé, c’est encore mieux 🙂